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La Syrie en état d’alerte : le régime craint-il de nouvelles opérations militaires d’envergure ? ou cherche-t-il un prétexte pour réprimer ses opposants ?
Au pays des manipulations, tout est possible : Imad Maghnieh n’aurait pas été tué à Damas.
par Khaled Asmar - Beyrouth
Que se passe-t-il en Syrie ? Depuis le raid américain à Bou Kamal, à la frontière irakienne, dimanche 26 octobre, le régime syrien vit une véritable nervosité. Selon nos sources à Damas, les autorités syriennes viennent de prendre des décisions inquiétantes qui nous permettent d’émettre plusieurs hypothèses.
Selon nos sources syriennes, dont des membres du parti Baas, le pouvoir vient de prendre trois décisions, coup sur coup, qui inquiètent la population :
1- Damas a décidé, mercredi 29 octobre, d’équiper tous les établissements scolaires et toutes les administrations de postes de télévision, fixés et réglés pour recevoir exclusivement la télévision officielle. Un directeur d’école nous a révélé avoir été informé de cette mesure qui, officiellement, permettra aux autorités de diffuser des messages à l’attention des élèves, des enseignants et des fonctionnaires, et de leur donner des ordres d’évacuation en cas de frappes aériennes ou balistiques.
2- Les autorités, qui avaient désarmé tous les agents civils des services de renseignement (Jihaz Al-Moukhabarat Al-Madaniya), au lendemain de la guerre d’Irak, pour mieux contrôler les flux d’armes en direction de ce pays, viennent de changer de politique. Depuis trois jours, Damas distribue des armes légères à ces agents civils.
3- Le 30 octobre, le régime a annoncé le retrait de ses troupes qui étaient stationnées sur la frontière irakienne. Des colonnes de véhicules militaires ont été observées jeudi (cliquez ici pour voir la vidéo).
Nos sources à Damas font plusieurs lectures de cette évolution :
La première hypothèse fait état d’une réelle crainte qui s’est emparée du régime, à la veille des élections américaines. Les dirigeants syriens redoutent des opérations américaines et/ou israéliennes d’envergure contre leur pays, destinées à influencer les électeurs américaines.
La deuxième hypothèse découle d’une victoire - souhaitée par le régime - de Barack Obama. Son élection, estime-t-on à Damas, pourrait pousser l’administration sortante à lancer des opérations en Syrie pendant les derniers mois du règne de George Bush (entre novembre et janvier), afin de laisser à Obama un héritage compliqué et tendu. Dans les deux précédentes hypothèses, le régime tente de renforcer son dispositif militaire et sécuritaire à l’intérieur, au détriment de la frontière irakienne.
Quant à la troisième lecture de ces développements, nos interlocuteurs syriens la résument ainsi : le régime amplifie la menace extérieure afin de renforcer son contrôle de la société et de réprimer ses opposants. Nos sources en veulent pour preuve les manifestations organisées le 30 octobre à Damas, où plusieurs dizaines de milliers de citoyens - dont les élèves, les ouvriers et les fonctionnaires - ont scandé des slogans hostiles aux Etats-Unis et à Bush, et glorifiant le régime syrien et le président Bachar Al-Assad. Ces manifestations, dites spontanées (cliquez ici pour les visionner), rappellent celles qui avaient été organisées dans les rues de Bagdad à la veille de la chute du régime de Saddam Hussein, et ressemblent à toutes les manifestations des masses dans les pays dirigés par des dictateurs.
Des révélations inquiétantes
Dans ce pays, champion de la manipulation et des manœuvres, tout est possible. Nos sources affirment, en effet, que « la voiture qui a explosé dans le quartier de très haute sécurité de Kafar Soussa, dans la soirée du 12 février 2008, était vide ». Des habitants de l’immeuble devant lequel l’attentat avait eu lieu, confirment que « l’explosion était de faible puissance, et qu’elle a visé une voiture vide ». Nos sources affirment que « le chef des opérations extérieures du Hezbollah, Imad Maghnieh, n’a pas été tué dans cet attentat ».
De cette version, impossible à vérifier, nos sources livrent deux lectures aussi plausibles l’une que l’autre :
Selon la première hypothèse, que MediArabe.info avait déjà évoquée dès le 18 février dernier, Imad Maghnieh a pu trouver la mort pendant la guerre de l’été 2006, et que le Hezbollah ne voulait pas révéler en attendant la publication du rapport Winograd, confirmant la défaite de Tsahal. Le parti de Hassan Nasrallah cherchant à priver Israël du moindre succès.
La seconde hypothèse laisse penser que Maghnieh est toujours vivant. Ce terroriste notoire, qui a déjà changé de visage à plusieurs reprises, aurait orchestré son assassinat afin de l’utiliser comme un moyen de pression sur Israël, sur les Etats-Unis, ou sur d’autres pays arabes au gré de la tendance politique du moment (l’enquête syrienne avait le choix entre plusieurs pays)... et surtout, pour disparaitre en tant que témoin dans l’assassinat de Rafic Hariri. Par sa mort, ainsi médiatisée, la quarantaine de pays suspendent leurs recherches, sa tête étant mise à prix. Ceci lui permet également d’échapper à la justice argentine, qui le poursuivait pour son rôle présumé dans l’attentat de Buenos Aires. Enfin, cette hypothèse permet à la Syrie de se débarrasser d’un lourd fardeau et de faire semblant d’avoir coopéré avec l’Occident en liquidant ce terroriste.
Rappelons que le jour des obsèques de Maghnieh, la poursuite des activités très normales dans la banlieue sud de Beyrouth, fief du Hezbolah, et l’absence des signes de tristesse traditionnels en pareilles circonstances, avaient frappé les observateurs. Aussi, personne n’a pu visionner le cadavre de Maghnieh, et aucun test ADN n’a été pratiqué pour confirmer son identification. Ces remarque pourraient confirmer que Maghnieh n’a pas été tué en février, en Syrie.
En tout état de cause, Damas se réjouissait - au moins jusqu’au raid américain de dimanche - d’avoir déjà touché une importante récompense grâce à l’ouverture européenne (française puis anglaise). Décidément, l’Occident confirme son masochisme, et se fait un immense plaisir à se laisser avoir par ce régime.
Khaled Asmar.
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