dimanche 7 décembre 2008
De plus en plus de femmes islamistes radicales en France
Cécilia Gabizon
Ces groupes radicaux séduisent d'autant plus facilement les jeunes qu'ils sont en rupture avec la société française mais également avec l'islam traditionnel des parents.
Ap/Cosgrove Crédits photo : AP
À Auxerre, une trentaine d'entre elles multiplient les propos antifrançais et antisémites.
De loin, leur groupe est impressionnant. Une trentaine de femmes perdues sous leur niqab noire. Des silhouettes qui ne sont pas passées inaperçues à Auxerre, où ce groupe, qui se revendique du tabligh, une mouvance piétiste et fondamentaliste, a attiré l'attention de la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI). La mouvance radicale se féminise, à en croire les policiers. À Auxerre, ce groupe est particulièrement prosélyte, suivant la doctrine des tablighs, ces croyants qui entendent reproduire le mode de vie du prophète et vont au-devant des publics, notamment marginalisés, pour porter cet islam du pied de la lettre. À la sortie des écoles, ces femmes entièrement voilées abordent les mères de famille, proposent une éducation musulmane, engagent à rejoindre un groupe de lecture du Coran. Elles forment un groupe soudé et tourné contre l'Occident, décrit la DCRI. Ces femmes se réunissent pour vouer aux gémonies la France, les juifs, qu'il «faut anéantir» et parler de djihad. À leur tête, deux femmes, l'une marocaine, l'autre convertie, mèneraient ces actions, dans la mouvance d'un imam surveillé, el-Mouloudi Moutaa.
«On observe une montée en puissance du féminisme islamique, avec son versant radical », confirme Bernard Godard, auteur des Musulmans de France (Robert Laffont). Les mouvements tablighs, mais aussi salafistes, tout aussi fondamentalistes, mais plus politiques, connaissent un succès croissant, avec la recrudescence des prêches enflammés, selon la DCRI. Notamment parmi les femmes, du Maghreb et d'Afrique noire, «ce qui est nouveau».
Ni intégration ni émancipation
Ces groupes séduisent d'autant plus facilement les jeunes qu'ils sont en rupture autant avec la société française qu'avec l'islam traditionnel des parents. « Ce n'est plus la génération des filles voilées qui avaient manifesté contre la loi sur les signes religieux à l'école, en agitant des drapeaux français », poursuit-il. Ces recrues gardent de leur jeunesse française les outils de la modernité, la revendication d'une place au même titre que les hommes. Elles s'investissent sur les forums Internet radicaux, organisent leurs propres manifestations. «Mais se fichent de l'intégration.» La plupart étaient «oppressées dans leur famille, marginalisées dans la société. Elles transforment leurs frustrations dans cet islam sectaire où l'on obtient facilement des bons points», analyse Antoine Sfeir, qui vient de publier une Lettre ouverte aux islamistes ( avec Ghaleb Bencheikh, chez Bayard).
«La religion leur permet de s'affirmer.» Certaines de ces femmes radicalisées ont servi de boîtes aux lettres dans des réseaux terroristes démantelés. Mais leur extrême visibilité les écarte de l'action clandestine et vise la propagande, estime encore Sfeir. Car ces femmes s'attaquent à l'idée que l'émancipation occidentale serait un bienfait.