jeudi 4 décembre 2008

Les fables des média nourrissent les divagations des terroristes



par Bret Stephens
Wall Street Journal

Titre original : Media Narratives Feed Terrorist Fantasies

Traduction : Objectif-info

Pour se disculper, Azam Amir Kasab, le seul terroriste capturé vivant lors du massacre de la semaine dernière à Bombay, a expliqué que l'exécution des Juifs de la Maison Chabad a été perpétrée pour venger les atrocités commises par les Israéliens contre les Palestiniens. En réponse à la question, "Pourquoi vous nous faites ça à nous ?" deux autres terroristes ont cité des exemples de violences antimusulmanes des Hindous, avant d'abattre 14 personnes désarmées à l'hôtel Oberoi. Et si les terroristes morts pouvaient parler, nous les entendrions sûrement évoquer Abu Ghraib pour justifier leur recherche d'otages américains et britanniques.

Empressons-nous d'ajouter qu'en aucune façon la BBC est seule en cause. Pour ce qui est des terroristes et de leurs griefs, ce sont presque tous les médias occidentaux qui leur fournissent un menu surabondant où ils trouvent de quoi s'alimenter.

Au printemps 2005, Newsweek s'est appuyé sur une source très mince pour son article sur l'exemplaire du Coran qui aurait été jeté dans les toilettes de Guantanamo. Résultat : au moins 15 personnes ont été tuées dans des émeutes en Afghanistan.

Newsweek s'est ensuite rétracté, et il a été bon qu'il le fasse, bien que ce soit exceptionnel dans le milieu. On peut comparer cette attitude à celle du journaliste français Charles Enderlin et de sa chaine de télévision France 2 qui ont refusé de reconnaître leur erreur et même d'exprimer le moindre doute sur leur reportage de septembre 2000. Il s'agissait de Mohamed al-Dura, le jeune palestinien de 12 ans soi-disant tué lors d'un échange de feu dans la bande de Gaza, échange dont M. Enderlin n'a pas été témoin.

Dans une étude approfondie de l'épisode publiée par The Atlantic, James Fallows a conclu que les preuves que l'enfant ne pouvait pas avoir été touché par des balles israéliennes étaient écrasantes, et que la démonstration que l'incident tout entier était une mise en scène était pour le moins impressionnante. En France, l'affaire a provoqué plusieurs procès. Cependant en Israël et dans tout le monde musulman, al-Dura a été l'emblème d'une Intifada qui a duré cinq ans et qui a coûté plusieurs milliers de vies.

Peut-être qu'al-Dura était quelque part dans les têtes des tueurs de Bombay. Si ce n'est pas le cas, ils ne manquaient pas de choix dans les "atrocités" israéliennes, la plupart du temps fictives ou inventées, qui sont rapportées en permanence par les média occidentaux : le "siège" de Gaza ; le "massacre" de Jénine en 2002 ; les massacres de 1982 (perpétrés par les Phalanges libanaises) dans les camps de réfugiés de Sabra et Chatila à Beyrouth ; l'exécution des prisonniers égyptiens en 1967.

Toutes ces fables ont des conséquences réelles, et pas seulement pour les Israéliens. En juillet 2006, un Américain nommé Naveed Afzal Haq s'est introduit dans les bureaux de la Fédération juive de Seattle et a tiré sur six personnes, tuant l'une d'entre elles. Un des survivants a témoigné que M. Haq "a dit qu'il était musulman, [et] que c'était sa contribution personnelle contre les juifs et l'administration Bush qui donne de l'argent aux Juifs, que nous Jjuifs nous remettrions à Israël, mais aussi sur le Hezbollah, sur la guerre en Irak." Où a-t-il trouvé tout cela ?

Comme on s'en est rendu compte, ces inventions proviennent de sources suspectes de terrorisme qui offrent leurs témoignages sur les méfaits israéliens ou américains à des média crédules. Dans l'imbroglio du Coran jeté dans les toilettes, par exemple, Ari Berman de The Nation a écrit un papier intitulé "Newsweek avait raison," qui citait les récits d'anciens détenus de Guantanamo sur le traitement infligé au Livre Saint par leurs geôliers. Les instructions contenues dans le "Document de Manchester" d'al-Qaeda saisi par la police britannique en 2000 ne sont mentionnées nulle part. Elles recommandent aux militants de "se plaindre de mauvais traitements en prison" et "d'insister pour prouver que la Sécurité d'État les a torturés."

On peut aussi citer l'histoire d'Ali Shalal Qaissi, qui a fait l'objet d'un article dans le New York Times en mars 2006. M. Qaissi, le fondateur de l'Association des Victimes de l'Occupation américaine dans les Prisons, a prétendu être l'homme au capuchon noir, enfermé dans une cellule, attaché avec du fil de fer, photographié dans une ambiance funèbre par les geôliers d'Abu Ghraib. The Times a tellement cru à son histoire qu'il l'a mise en première page, jusqu'au moment où il s'est avéré que ce n'était pas lui. Une "Note du rédacteur en chef" du 18 Mars 2006 nous explique pourquoi cette histoire a pu être imprimée :

"The Times n'a pas analysé correctement l'insistance que mettait M. Qaissi à prétendre qu'il était l'homme de la photographie. Le récit de M. Qaissi avait déjà fait l'objet d'une émission et il avait été diffusé par d'autres médias, dont la Radio publique et Vanity Fair, sans être contesté. Les avocats d'anciens prisonniers d'Abu Ghraib s'étaient porté garants de lui. Les militants des organisations humanitaires semblaient faire confiance à ce qu'il disait."

Naturellement, il est toujours possible d'être piégé par un mensonge bien ficelé. Mais il est intéressant de se demander pourquoi les médias qui passent au peigne fin toutes les déclarations des gouvernements américain, britannique et israélien comme a-priori suspectes, font preuve d'une crédulité permanente face à des affirmations douteuses et diffamatoires contre leurs gouvernements. Et, sur le même sujet, pourquoi les médias sont si enclins à grossir de véritables scandales (comme Abu Ghraib) au point qu'ils deviennent l'équivalent moral du 11 septembre ? Un peu de prudence est de règle. Les terroristes, de toute origine, pourraient réellement croire ce qu'ils lisent dans les journaux.
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