Par Guillaume Borrione
pour Guysen International News
Vendredi 12 décembre, l’Iran a connu une nouvelle mobilisation publique en faveur du droit des Palestiniens réunissant plusieurs milliers de manifestants à Téhéran. Devenues monnaie courante, ces manifestations sont souvent un prétexte pour un lynchage en règle de l’État hébreu, que Téhéran ne reconnaît toujours pas. Elles ont également pour objectif de soutenir les factions terroristes telles que le Hamas, que Téhéran dément fournir en armes même si elle le soutient « moralement ». Dans ce contexte agité, l’Égypte s’est opposée de manière virulente aux agissements de l’Iran dans la région.
C’est aux cris de « mort à Israël » et « mort à l'Amérique » que les manifestants ont convergé vers l'Université de Téhéran, où a lieu chaque semaine la prière du vendredi. Ils affichaient ouvertement leur soutien aux Palestiniens, ainsi qu’au Hamas ou encore au Hezbollah.
A l'origine de cette 'colère', le blocus imposé à la bande de Gaza depuis la prise de pouvoir du Hamas en 2007 et son renforcement depuis le regain de tirs de Qassams vers Israël malgré la 'trêve'.
Le président iranien Mahmoud Ahmadinejad s'est rapidement mêlé à la foule. Boycotté par un grand nombre de dirigeants étrangers, notamment à cause de ses déclarations sur l'Holocauste, qualifié de « mythe », et sur Israël, qualifié de « tumeur cancéreuse » appelée selon lui à « disparaître », il s’est une nouvelle fois illustré dans son style si personnel :
« Le sionisme est la manifestation du mal et de l’enfer. Si vous pouviez rassembler toutes les vilenies et les choses haïssables de ce monde et leur donner une représentation, ce serait le sionisme ».
Lors de la prière, le prédicateur Ahmad Khatami a dénoncé le « silence » des Nations Unies.
Sur le palier de la plus importante mosquée de Téhéran il a appelé les Palestiniens à « résister comme le fait le Hezbollah », le mouvement chiite libanais également soutenu par l'Iran. « Ce ne sont pas des terroristes » a-t-il lancé à la foule.
Il a également critiqué l'Égypte, estimant qu'elle coopérait avec Israël en laissant fermé le point de passage de Rafah, seule ouverture de Gaza sur le monde arabe.
« Pour chacun des crimes commis en Palestine, plusieurs pays arabes et chefs d’État islamiques doivent être aussi accusés, les plus proches de Gaza [l’Égypte, ndlr] ne méritent eux que le titre de traîtres ».
Réponse en bonne et due forme d'Abdoul Gheit, le ministre égyptien des Affaires étrangères, qui a largement critiqué le gouvernement iranien dimanche 14 décembre, accusant le régime de la république islamique d’essayer de dominer le Moyen-Orient.
Cette déclaration marque une escalade dans les relations diplomatiques déjà sulfureuses entre les deux pays qui ont rivalisé pour avoir un rôle prédominant dans la région.
Sur le plan ethnique, politique et religieux les deux pays ont tout pour s’affronter. L’Égypte est un pays arabe sunnite modéré, tandis que l’Iran est un régime islamiste chiite de population perse.
Les relations diplomatiques ont été rompues une année après la prise de pouvoir des islamistes en Iran et du renversement du régime pro-occidental du Shah en 1979. La même année l’Iran s’était opposé à la paix entre Israël et l’Égypte.
« Les Iraniens essaient de répandre et d’imposer leur idéologie spécifique sur la région, ils se servent de la cause palestinienne pour leurs propres intérêts » a fait savoir M. Gheit en se référant au Hamas.
Plus tôt dans la journée, le ministre égyptien avait blâmé l’ancien président iranien Hashemi Rafsanjani pour avoir critiqué le refus de l’Égypte d’ouvrir de manière permanente le point de passage de Rafah entre la bande de Gaza et l’Égypte.
« La politique étrangère de l’Égypte ne fera pas le jeu de l’Iran ou bien des intérêts de quelques groupes qui ont perdu de vue les véritables objectifs des Palestiniens » s’est-il emporté.
De l’autre côté de la Méditerranée, la France a aussi fait l’expérience d’un regain de tensions diplomatiques avec l’Iran.
Le 8 décembre dernier, à l’occasion du 60e anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme, le président français Nicolas Sarkozy avait déclaré qu’il était « impossible de serrer la main à quelqu’un [Mahmoud Ahmadinejad, ndlr] qui a osé dire qu’Israël devait être rayé de la carte ».
Après cette déclaration le ministre iranien des Affaires étrangères, M. Mottaki, a annulé un déplacement à Paris où il devait rencontrer son homologue Bernard Kouchner le 13 décembre.
Mercredi 10 décembre, Téhéran avait également convoqué au ministère des Affaires étrangères Bernard Poletti, l’ambassadeur de France en Iran afin de l’avertir des conséquences que pourraient avoir les déclarations du président sur les relations bilatérales entre la France et l’Iran.
Le 11 décembre le Quai d’Orsay avait souligné que la France resterait « ouverte au dialogue avec l’Iran ». Toutefois Bernard Kouchner a fait savoir que le conflit israélo-palestinien « ne peut en aucun cas servir de prétexte pour remettre en cause le droit d'Israël à exister ».