samedi 14 mars 2009
Les Juifs comme excuse universelle
Tous les microcosmes se ressemblent : ainsi une administration présente-t-elle de nombreux points communs avec la classe du petit Nicolas (celui de Sempé, pas le Président français).
Il s’y trouve toujours au moins un lèche-cul, un premier de la classe (ce n’est pas toujours le même) et un cafteur qui rejette sur les autres la responsabilité de ses propres méfaits et les dénonce fébrilement.
Un cafteur bien dans ses pompes et dans ses ors
Au sein de l’administration Obama, le rôle du cafteur est tenu avec panache par Charles Freeman, un homme qui porte bien mal son nom (littéralement : « homme libre »).
Charles Freeman vient d’accéder à une certaine notoriété pour avoir refusé le poste prestigieux – mais ô combien exposé – de directeur du NIC, le National Intelligence Council qui est au renseignement ce que l’ENA est à l’administration française : un passage obligé pour la prise de toute décision de politique étrangère par le Président, puisqu’il synthétise les rapports des différents services de renseignements américains.
Dommage que l’homme pas très libre n’ait pas acquis ce statut de people en 1989, quand il a justifié le massacre de la place Tien an Men.
Que cet ancien ambassadeur américain en Arabie Saoudite ait gardé des liens très affectueux avec la cour saoudienne est peut-être à mettre au compte de sa conscience professionnelle. Mais on s’interroge sur ce qui peut motiver sa profonde sympathie pour le régime chinois.
Peut-être cela procède-t-il d’une fascination vis-à-vis des régimes autoritaires ?
Cela expliquerait aussi son choix d’Israël comme ultime objet de son ressentiment : comment, autrement, expliquer que le monde entier ne partage pas l’enthousiasme de sa maman pour ses qualités de plus beau bébé du monde et de plus intelligent petit garçon de sa classe ?
Car Charles Freeman va loin dans la dénonciation des empêcheurs de lécher le cul en rond : «La tactique du lobby pro-israélien arrive jusqu'aux confins de l'indécence, au moyen de la calomnie, du procès d'intention, de citations inexactes, tout ceci afin d'empêcher toute modification dans le regard que porte l'Administration américaine sur ce qui se passe au Proche Orient. », a-t-il confié dans un article qu’il a adressé au magazine « Foreign Policy » (Politique étrangère).
C’est eux qu’ont commencé, M’sieu !
Si Charles Freeman démissionne avant d’avoir été nommé à la tête du NIC, c’est à cause des Juifs. D’ailleurs, il a subi des pressions et il dénonce les coupables.
A ses yeux, ce ne sont pas des hommes de bon sens. Ils craindraient en effet que les décisions de politique étrangère des Etats-Unis ne soient orientées par un individu doué d’un tropisme si prononcé envers les dictatures antisémites que son discernement pourrait en être affecté dans des dossiers aussi explosifs (!) que l’Iran ou la Syrie.
Non, c’est parce que la puissance occulte des Juifs (mais qu’est-ce que cela nous rappelle ?) empêche les Etats-Unis de « choisir librement une politique étrangère au Proche Orient qui ne serait pas du goût du parti au pouvoir en Israël, entraînera ce parti à pratiquer une politique suicidaire pour Israël, mais aussi à causer des dommages prolongés à la sécurité des Etats-Unis ».
On reprend et on décortique parce que c’est si connoté Vichy, Maurras et Gringoire qu’on aurait tendance à balayer l’argumentation d’un derrière distrait et ce serait un tort : à l’heure d’Internet, la théorie du complot se répand plus vite qu’au bon temps de « Je suis partout » et ses retombées sont tout aussi néfastes, voire plus.
Et puisqu’on parle de diffusion de l’information, comment notre agence nationale rend-elle compte de ce désistement ?
Attribuer au lobby juif la volonté de détruire son pays, c’est de l’antisémitisme ?
« De son côté, M. Freeman, volontiers critique envers Israël, faisait l'objet d'un processus d'accréditation houleux au Congrès. L'annonce de sa nomination par M. Blair (pas Tony, Dennis. NDLA) à un poste où il aurait dû coordonner les vues des 16 agences de renseignement américain sur des sujets ultrasensibles a en effet soulevé l'inquiétude d'un groupe de parlementaires aussi bien démocrates que républicains soutenant fermement Israël. Copyright © 2009 AFP.»
L’AFP, qui qualifie par ailleurs Monsieur Freeman de « diplomate chevronné », ne peut manquer d’observer qu’il est « volontiers critique envers Israël ». Qu’en termes délicats ces choses-là sont dites !
Quant au « groupe de parlementaires aussi bien démocrates que républicains soutenant fermement Israël », n’est-ce pas là exactement la définition d’un « lobby juif » ?
L’AFP tenterait de nous faire croire que l’homme libre vendu aux dictatures de tout poil aurait raison qu’elle ne s’y prendrait pas autrement.
Car loin de souligner les points communs entre Israël et les Etats-Unis (le régime démocratique, l’égalité des sexes, la liberté de pensée entre autres) qui sont justement ceux qui en font les communes cibles des terroristes islamistes, notre bienveillante AFP préfère orienter son « éclairage » vers la somme des désistements qui ont touché récemment l’administration Obama.
« Volontiers critique envers Israël » est au « Juif agent de l’étranger » ce que l’antisionisme est à l’antisémitisme : un faux-nez.
Même pas crochu !
Liliane Messika
© Primo
NDLR : Pour la bonne information de l'AFP, de Gilles Paris (Le Monde) et pour compléter la pseudo-défense de Charles Freeman, Primo ajoute que l ’opposition à sa nomination au sein du Congrès a été aussi menée par le comité “Free Tibet”, les organisations bouddhistes, les partisans de la liberté religieuse en Arabie saoudite et ceux qui soutiennent les Droits de l'Homme en Chine.