dimanche 1 mars 2009

Incompétence universelle



Après la Belgique, l’Espagne veut assoir sa compétence en matière de justice universelle. Les juges ibériques n’ont pas assez de travail.

Ce pays parle très peu de son attitude vis-à-vis du Sahara espagnol, théoriquement libre mais sans statut. Les juges n’ont pas connaissance des méfaits commis à Melilla par les gardes civils ainsi que du mur de la honte qui sépare cette enclave du reste de l’Afrique.

Voici deux pays européens, l’un à bout de souffle, la Belgique, qui doit son rayonnement international à sa manière de cuire de petits bouts de pommes de terre, à la présence des bâtiments européens et au siège de l’OTAN, l’autre, l’Espagne, qui n’est pas, en matière de colonisation et de Droits de l’homme, un exemple probant.

Mais cela ne les empêche pas d’avoir envie de participer au grand concert des nations.

Comme le rapporte un journal du Maghreb, les juges espagnols ont accepté de s’attaquer au bastion du crime sous toutes ses formes: Israël (sic)

Selon le principe de "justice universelle" voté en 1993, la justice espagnole peut enquêter sur des génocides et crimes contre l'humanité même s'ils ont été commis à l'étranger.

Crimes contre qui ?

On sait les efforts désespérés et méritoires du juge Garzon afin d’embastiller Pinochet et l’amener devant la justice. Hélas, Pinochet décide de passer l’arme à gauche, après avoir épuisé toutes les voies de recours et d’immunité.

Garzon est également ce juge espagnol qui voulait amener l’Espagne à réfléchir sur son attitude, voire sa passivité, durant la dictature franquiste. Le juge réclamait l'abrogation de l'Amnistie qui effaça en 1977, deux ans après la mort de Franco, tous les crimes et délits politiques perpétrés en Espagne.

Cette revendication était plus que symbolique, car son aboutissement aurait enfin obligé l'Etat à indemniser dignement les descendants de milliers de disparus du franquisme, déterrés peu à peu à mesure que sont localisées des fosses communes.

A ceux qui lui demandaient pourquoi il s’entêtait à remuer le passé, l’infatigable juge répondait : « Déclarer éteinte, pour cause de décès, la responsabilité des principaux chefs [de la répression franquiste] n'est pas la même chose que leur octroyer l'impunité, le pardon et l'oubli judiciaire ».

Après des années de combats juridiques, le 4 décembre dernier, l'instruction du juge Garzon était définitivement paralysée par ses pairs.

Réunis en séance plénière, comme un tribunal au sein du tribunal, les magistrats de l'Audience nationale qualifiaient le soulèvement franquiste de 1936 contre la République de simple "rébellion".

Exit les crimes. Ce dossier n’est donc plus de la compétence du juge Garzon. On peut tout oublier en paix, les dizaines de milliers de morts, les charniers, les exécutions et plusieurs décennies de dictature.

Parmi les 17 juges qui ont voté l’oubli et l'amnistie collective se trouve Fernando Andreu. Le cher homme était trop occupé à constituer un dossier contre Israël pour prendre une décision sensée concernant son propre pays.

L’histoire

En juillet 2002, un bombardement israélien a tué un dirigeant du Hamas, Salah Chehadeh. Pour le juge espagnol, il s’agit d’un crime contre l’humanité.

Peu lui importe que cet homme ait été le terroriste en chef dans les Territoires, qu’il ait créé pratiquement de ses propres mains l’aile militaire du Hamas et qui ne jurait que par l’extinction de la race juive.

Le bombardement a mis fin à ses jours. L’attaque « ciblée » israélienne avait, pour l’occasion, causé la mort de 14 civils et 120 blessés. De nombreuses voix se sont élevées en Israël pour dénoncer cette violence. Les plus hauts responsables de l’armée se sont excusés pour la mort des innocents.

Qu’à cela ne tienne. Le juge Andreu a fait droit à une demande émanant d’associations palestiniennes. Il a l’intention de délivrer dans les prochains jours deux commissions rogatoires, la première pour notifier le lancement de poursuites contre l'ex-ministre israélien de la Défense Benjamin Ben-Eliezer et de six hauts responsables militaires, et la deuxième pour demander à se rendre à Gaza afin d’interroger des témoins et des proches des victimes.

Quelle belle chose

Dans un appel lancé pour le 60e anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l'Homme, la Coalition française pour la Cour pénale internationale (CFCP) appelle par une pétition les pouvoirs publics à doter les tribunaux français d'une compétence universelle pour juger les crimes internationaux.

L'aspiration à la "justice universelle" est une aspiration profondément noble. Elle naît d'un profond sentiment d'injustice face à des relations internationales souvent perçues comme injustes. Il est cependant piquant de voir, parmi les associations signataires de cette pétition, le MRAP et la LDH. Ces associations n’hésitent pas à instrumentaliser la justice française pour donner un peu de consistance à leurs idéologies.

Qu’en sera-t-il alors avec la justice universelle ? On les voit déjà se pourlécher les babines à la simple idée de pouvoir faire arrêter un citoyen israélien à sa descente d’avion. Mais ce sont les mêmes, ou leurs amis, qui prennent le parti d’El Béchir, président du Soudan, bientôt sous le coup d’un mandat d’arrêt international.

Désormais, à entendre les Belges, les Espagnols et certains tenants de la compétence universelle, celle-ci n’existe réellement que pour faire condamner Israël. Cela se vérifiera une fois de plus à Genève au mois d'avril.

Car, pour ce qui est de pourchasser sur leurs sols respectifs les criminels internationaux, chefs d'Etat en délicatesse avec leurs populations, tyrans africains et arabes richissimes qui se prélassent au fond de leurs luxueuses villas, chefs de la mafia russe, tchétchène, la Belgique et l'Espagne sont atteintes de la même cécité que la France. Il ne faut pas désespérer Courchevel !

Lorsque le Hamas exécute froidement des malades palestiniens dans leurs lits d’hôpital, lorsqu’il utilise des écoles pour envoyer des missiles sur Israël, pas question évidemment de parler de crimes contre l’humanité.

Ce sont là gestes de grands enfants immatures que la création de la Palestine (si possible en lieu et place d’Israël) devrait instantanément transformer en doux travailleurs réalistes et néanmoins romantiques, œuvrant pour le bien de leur peuple.

Puisqu’on vous le dit !

Vivement qu’Israël disparaisse, qu’on puisse enfin voir la paix et la justice universelle déferler, tel un torrent d’onde pure, sur notre bonne vieille terre.

En attendant, que le juge espagnol veuille bien trouver quelques minutes pour s’occuper des véritables crimes contre l’humanité, c’est tout ce qu’on peut lui souhaiter.

A l’occasion, s’il peut se pencher un peu sur l’un des nombreux charniers découverts chaque année en Espagne...


Pierre Lefebvre © Primo, 28 février 2009.