samedi 14 mars 2009
Pour faire la paix au Moyen Orient, on peut commencer par la croissance économique
par Daniel Doron
Wall Street Journal
Titre original : Mideast Peace Can Start With Economic Growth
Traduction : Objectif-info
La semaine dernière, la secrétaire d'état Hillary Clinton a déclaré au premier ministre désigné, Benjamin Netanyahou, que les États-Unis ne veulent pas s’enfermer dans de "vieilles formules" pour aborder le processus de paix. Si elle travaille sur une nouvelle approche, c’est qu’elle a de quoi se demander pourquoi de coûteux efforts diplomatiques n'ont pas mené à une paix israélo-palestinienne mais à une guerre ininterrompue.
Bien que les milliards de dollars de "l’aide" aient inondé les territoires palestiniens, il n’y a toujours pas d’état palestinien, ni de sécurité pour Israël. Faute d’un contrôle efficace de cette aide, les dirigeants palestiniens l’ont employée pour soutenir des groupes terroristes et combattre Israël, plutôt que pour bâtir leur société.
Pour réussir enfin, les efforts de paix doivent se matérialiser par des incitations positives. Un processus économique de paix peut créer une telle réalité, comme il y est parvenu dans le passé avant que des obsessions politiques ne l’interrompent.
Après la conquête par Israël de la Cisjordanie et de la bande de Gaza en 1967, le général Moshe Dayan a eu la sagesse de laisser aux Palestiniens la gestion de leurs affaires économiques. Sa politique consistant à "ouvrir des ponts" a facilité la libre circulation des marchandises et des personnes, et elle a apporté la prospérité au secteur privé. Des centaines de milliers de Palestiniens étaient employés en Israël pour des salaires beaucoup plus élevés que ceux qu’ils auraient obtenu sous autorité jordanienne ou égyptienne. Le niveau de vie a quintuplé, et l'agriculture, l’industrie, l'éducation, la santé ainsi que le statut des femmes et des enfants, se sont rapidement améliorés. La libre circulation en Israël était appréciée des Arabes, et il n’y avait pratiquement pas d’incident terroriste. Les Israéliens faisaient des emplettes et mangeaient dans les villes arabes. Leurs dépenses fournissaient la part du lion d’un PIB palestinien qui grimpait en flèche.
Ce processus de paix informel était cependant entravé par les élites palestiniennes traditionnelles. La modernisation menaçait leurs convictions et leur statut privilégié. Puis, en 1987, une récession économique et de lourdes interférences de la bureaucratie israélienne dans la vie arabe ont mis à feu une intifada qui a été contrôlée et politisée par l'Organisation de Libération de la Palestine(OLP). L’OLP de Yasser Arafat a tué ce qui restait de coopération économique.
Aujourd'hui, de nombreux hommes politiques préconisent une séparation totale entre Israël et les Palestiniens. Mais ces derniers ne peuvent pas développer une économie prospère et un état viable dans l'isolement économique. La séparation aurait pour conséquence la ruine économique, comme cela s'est déjà produit à Gaza. Israël et la Cisjordanie sont tout simplement trop exigus et trop intégrés au plan géographique pour pouvoir être le siège de deux entités économiquement divisées. Les destins des Israéliens et des Palestiniens sont économiquement entremêlés.
Jérusalem fournit un bon modèle d'intégration économique. La ville a une importante population de Juifs israéliens et d’Arabes palestiniens qui vivent dans une étroite proximité. Ces derniers sont les musulmans ardents, et la plupart des Juifs de Jérusalem ne font pas partie du camp de la paix. Pourtant en dépit des efforts laborieux des organisations terroristes palestiniennes pour mettre le feu à la ville par des attaques répétées, les revenus du tourisme sont tellement gratifiants que les Jérusalmites coexistent sans trop de problèmes.
La prospérité peut se répandre à partir de la Cisjordanie et de Gaza, par le biais de l'aide directe aux familles palestiniennes vivant encore dans des camps de réfugié. À la différence des tentatives précédentes qui ont échoué, à l’époque où l'aide était octroyée à une Autorité palestinienne corrompue, les familles des réfugiés ne pouvaient pas obtenir de prêts bon marché ou de subventions. La construction d'infrastructure doit être confiée, par le biais d’adjudications concurrentielles, à de petites et moyennes entreprises palestiniennes, et pas aux gros entrepreneurs liés à la sphère politique. Et pour pérenniser à long terme la croissance économique, il faut briser les monopoles qui étranglent aujourd’hui à la fois les économies israélienne et palestiniennes (ce sont souvent les mêmes).
Pendant des siècles, les Européens civilisés se sont entre-tués et les solutions politiques étaient incapables de mettre fin aux carnages. C’est au moment où la création d'une Communauté Économique Européenne modifié les priorités politiques que la paix s’est installée. Un processus semblable peut mener à des développements pacifiques au Moyen-Orient. A défaut de solutions de rechange viables, il est certainement bienvenu d’essayer cette formule.