jeudi 19 mars 2009
Antisémitisme, antisionisme, anti-israélisme
Benjamin Lachkar
Fin Avril 2009 se réunira la « Durban Review Conference » ou Durban 2, la conférence mondiale des Nations Unies contre le racisme. La précédente conférence de Durban, en Août 2001, avait dégénéré en manifestation de délire antisémite au nom de l'antiracisme et tout indique que cette nouvelle édition ne dérogera pas à la règle. Les défenseurs de ces conférences affirment cependant qu'ils ne font que s'opposer au sionisme et dénoncent l'amalgame qui serait fait, selon eux, entre antisionisme et antisémitisme.
C'est pourquoi il est important de bien préciser les termes et d'éviter les confusions auxquelles les antisémites se prêtent pour influencer les esprits pourtant les moins enclins à la haine antijuive. En théorie, antisionisme et antisémitisme sont effectivement deux concepts distincts. On peut être oppose à l'idée d'une nation juive indépendante sans porter le moindre sentiment d'hostilité aux Juifs. Il existait ainsi un courant qui pensait que le génie juif s'exprimait au sein des Nations qui accueillaient le peuple d'Israël, et que la création d'un Etat juif ferait disparaître cette voix particulière.
Cependant, si cette distinction a une valeur du point de vue intellectuel, elle n'en a plus du point de vue pratique 61 ans après la création de l'Etat d'Israël Il est une chose de s'opposer à la création future d'un Etat, c'en est une autre de vouloir sa destruction. Or l'antisionisme n'est pas autre chose que cela. Surtout, l'antisionisme nie aux seuls Juifs, de tous les peuples, le droit à un Etat indépendant tout en militant avec passion afin de créer un 22ème Etat arabe pour un peuple qui, quoi qu'on en pense, n'existait pas il y a 60 ans.
C'est ce dernier point qui constitue le cheval de bataille des milieux antisionistes depuis plusieurs années: nier la qualité de peuple à la nation juive. Il pourrait paraître paradoxal de chercher à nier l'existence d'un des plus vieux peuples de la planète, mais cela découle avant tout d'une incompréhension basique des notions de peuple et de nation.
Ainsi, les Juifs ne seraient pas un peuple mais juste une « religion », formée de gens sans rapports entre eux, et qui, en plus, ne seraient pas vraiment les descendants des anciens Juifs mais de gens convertis au cours des siècles. On retrouve cette affirmation jusque dans la Charte de l'OLP, et Yasser Arafat allait même plus loin en niant tout rapport entre les Juifs et la terre d'Israël. Le livre de Shlomo Sand, historien israélien spécialiste du cinéma et de la France médiévale, « Comment fut inventé le peuple juif » sert de nouvelle bible aux militants antisionistes de tout bord. Il affirme que le mouvement sioniste a inventé l'idée que les Juifs formaient un peuple de gens issus des mêmes origines raciales pour légitimer ses intentions nationalistes et colonialistes.
Le problème, c'est que le sionisme n'a jamais dit ça. Ce que Sand et les antisionistes semblent ne pas saisir, c'est qu'un peuple est un peuple parce qu'il se considère comme tel. Même si la thèse de Sand était vraie et que les Juifs actuels étaient les descendants de mystérieux convertis dont personne n'a jamais entendu parler, cela ne changerait rien à la réalité de l'existence du peuple juif. Car la notion de peuple, comme toute notion politique, voire toute notion humaine, est une construction de l'esprit et porte sa vérité dans le fait d'être partagée par tout un groupe.
Evidemment, pour couronner le tout, il se trouve que la thèse de Sand est effectivement complètement fausse d'après la plupart des historiens et surtout d'après les résultats des nombreuses études de génétique des populations qui depuis plus de 10 ans ont établi que la plupart des Juifs de toutes origines – Ethiopiens exclus – partageaient les mêmes origines moyen-orientales.
Finalement, la distinction à faire n'est pas entre l'antisémitisme et l'antisionisme, mais entre l'antisémitisme et l'anti-israélisme. Israël, comme tout Etat, est soumis à la critique. On a le droit de ne pas aimer son comportement, ses objectifs, sa culture. On peut être opposé à sa politique, regretter ses choix stratégiques, ses actions militaires, son refus de faire des concessions ou au contraire sa trop grande propension à en faire. On peut ne pas aimer l'idéologie de tel ou tel parti qui compose la coalition gouvernementale. L'hostilité à l'Etat d'Israël, ses institutions et ses représentants officiels – mais pas ses simples citoyens -, pour des raisons aussi justifiées que ridiculement bêtes, est parfaitement légitime, tant qu'elle ne prend pas de forme violente. L'hostilité à l'Etat d'Israël en tant qu'Etat du peuple juif, par contre, n'est pas acceptable.
http://jcpa-lecape.org/ViewArticle.aspx?ArticleId=195