mardi 5 mai 2009

Fofana veut torpiller son procès





Le procès à huis clos de Youssouf Fofana et des 26 membres présumés du «gang des barbares» semble bien mal parti. Jeudi, en fin d'après-midi, il aurait proféré des menaces de mort contre les jurés, sans que cela ne provoque de réaction de la présidente de la cour d'assises, Nadia Ajjan, ni de l'avocat général, Philippe Bilger.



Selon le récit fait par Francis Szpiner et Muriel Ouaknine-Melki, avocats des parties civiles, Fofana se serait vanté d'avoir des complices qui photographiaient les jurés, et de pouvoir mettre leur tête à prix. La présidente de la cour d'assises aurait ensuite refusé aux parties civiles le «donner acte» qu'elles demandaient, c'est-à-dire que soient retranscrits les propos de Fofana à toutes fins utiles. Du coup, les familles des victimes et leurs avocats ont quitté la salle. Me Szpiner et trois de ses confrères sont immédiatement allés se plaindre de la tournure des débats auprès du procureur général de la cour d'appel, Laurent Le Mesle. Des responsables associatifs auraient, par ailleurs, téléphoné en haut lieu...



«Mme Halimi et moi sommes dans une phase de réflexion», explique au JDD Me Szpiner. Après avoir laissé planer le doute sur la présence des parties civiles à la reprise des débats, l'avocat semble maintenant décidé à en découdre. «Nous n'allons pas laisser le champ libre à Fofana. Nous serons là lundi, mais on ne se laissera pas faire», prévient-il. Me Szpiner se dit stupéfait que la présidente de la cour d'assises ait refusé de faire retranscrire les propos menaçants de Fofana. Il n'est pas le seul. «Les menaces de mort constituent un délit, et la présidente ne dit rien ? C'est très grave, assène Eric Morain, également partie civile. On a le sentiment que la seule chose qui importe aux yeux de la présidente, c'est que le procès aille à son terme coûte que coûte. Mais que se passera-t-il si les jurés ne veulent plus venir? Un procès d'assises peut se poursuivre sans accusé et sans partie civile, mais pas sans jurés», rappelle l'avocat.



Dès l'ouverture du procès, mercredi, Youssouf Fofana a adopté une posture de provocation. En entrant dans la salle d'audience, souriant, il a d'abord crié «Allah vaincra» en levant le poing. Le pire était à venir. Invité à donner ses date et lieu de naissance, il a répondu «le 13 février 2006, à Sainte-Geneviève-des-Bois», soit la date et le lieu de découverte de sa victime, le jeune Ilan Halimi à l'agonie. Cela en face de la famille. Enfin, comme nationalité, Fofana a choisi «africaine, barbare armée révolte salafiste».



«Je pense que Fofana est loin d'être idiot, décrypte Francis Szpiner. Il sait qu'il va être condamné à perpétuité avec une peine de sûreté, alors il en rajoute dans l'antisémitisme. Il joue à la victime des juifs pour créer une solidarité utilitaire des antisémites autour de lui, et peut-être pour améliorer son ordinaire en prison.»



Pour plusieurs avocats (le huis clos empêche la presse d'assister aux débats), Youssouf Fofana a réussi à instaurer un rapport de forces avec la cour d'assises. Le pire est peut-être à venir. Ces derniers mois, les procès très mouvementés du «roi de l'évasion» Antonio Ferrara et du nationaliste corse Ivan Colonna l'ont montré: la maîtrise des débats, lors de grands procès à risques, demande aux magistrats beaucoup d'expérience et de détermination.




Source: Michel Delean, Le Journal du Dimanche - dimanche 3 mai 2009