jeudi 7 mai 2009

Procès Fofana : l'accusé de plus en plus isolé



Delphine Chayet

Les avocats sont réunis dans la salle d'audience, juste avant l'ouverture du procès à huis clos du « gang des barbares », le 29 avril dernier. Crédits photo : Abaca
Jugé avec ses présumés complices par la cour d'assises des mineurs de Paris, le chef de «gang des barbares» refuse de répondre aux questions qui lui sont posées.

Regard braqué vers le sol, affichant tantôt un petit sourire ironique tantôt un air absent, Youssouf Fofana se tait. Depuis une semaine, la cour d'assises des mineurs de Paris étudie, à huis clos, le curriculum vitae de chacun des membres du «gang des barbares». Dans le box des accusés, l'ancien chef de bande poursuivi pour l'enlèvement, le rapt et l'assassinat d'Ilan Halimi, n'a plus rien du «meneur charismatique et éloquent» dépeint au cours de l'enquête.

«Il apparaît au contraire comme un type sans envergure, intellectuellement limité et ignorant, témoigne un avocat. Plus que jamais, on se demande comment il est parvenu à persuader tous ces jeunes de le suivre.» Silencieux lorsqu'on interroge ses coaccusés, Fofana prend la parole son tour venu. Il intervient peu. On l'entend à peine, malgré le micro que lui a spécialement fait porter la présidente en début de semaine.

«Quand on le questionne, il répond toujours par une petite déclaration absurde, et le plus souvent odieuse», relate l'avocat d'un autre accusé. Avec sa voix monocorde et son débit rapide, le caïd d'origine ivoirienne, âgé de 28 ans, esquive. «Il y a beaucoup de gens qui meurent dans le monde », répond-il un jour à Philippe Bilger, l'avocat général, qui lui demande pourquoi il refuse de coopérer. «Pour faire la guerre, il faut de l'argent», explique-t-il un peu plus tard à un conseil de la défense qui l'interroge sur la rançon demandée aux parents d'Ilan Halimi.

Vêtu d'un tee-shirt, sur lequel il a lui même écrit «The petrodollar man», il demande encore à ce que le nom de son avocat soit écrit «sur le blog d'al-Jezira»…


«Combattant de l'islam»

Pour toute réponse, Fofana livre un discours politico-religieux décousu, nourri de poncifs antisémites et d'anticolonialisme. Selon Me Didier Seban, qui représente un «geôlier» présumé d'Ilan Halimi, l'accusé «cherche à donner à ses actes crapuleux une fausse coloration idéologique».

Enfermé dans ses élucubrations, le pseudo «combattant de l'islam» est pourtant de plus en plus isolé dans le box des accusés. Depuis lundi, la cour découvre l'itinéraire des 26 autres garçons et filles, poursuivis pour avoir été mêlés de près ou de loin à l'enlèvement, la séquestration et les multiples violences infligées à la jeune victime.

Tous - ou presque - ont reconnu les faits. Beaucoup ont exprimé des regrets. «Contrairement à Fofana, ils savent qu'ils jouent gros, souligne un avocat. Visiblement, ils ne se reconnaissent pas dans son combat idéologique». Une galerie de jeunes en échec scolaire ou professionnel, sans papiers, sans pères ou livrés à eux-mêmes, défile ainsi à la barre. «À l'époque, ils n'avaient pas réussi à penser au-delà de l'instant présent, observe M e Xavier Filet, avocat de la fiancée d'Ilan. On a le sentiment qu'ils n'ont toujours pas remis leurs actes en perspective.»

Pourquoi se sont-ils raccrochés à cette entreprise criminelle ? Pourquoi n'ont-ils pas pensé à dénoncer, par exemple par un appel anonyme ? Dans une ambiance apaisée, selon un avocat, la cour d'assises a commencé à se pencher sur cette énigme. «Ce n'est pas un procès comme les autres : on ressent une gravité particulière», souligne Me Martine Scemama, avocate d'un membre de la bande. En comparaison, la salle d'audience, interdite au public, paraît terriblement vide.

«Mais ce calme risque de voler en éclats quand on rentrera dans l'examen des faits », prévientMe Francis Szpiner, avocat des parties civiles. Jeudi dernier, la famille d'Ilan Halimi a quitté la salle d'audience en raison de menaces proférées par Fofana. Depuis, les débats ont repris dans la sérénité. Mais la violence de l'accusé, comme son besoin de choquer, sont toujours à fleur de peau, prêts à ressurgir : «Si certaines personnes veulent m'humilier, je pourrai me montrer très méchant verbalement pendant deux mois et demi», a-t-il lancé - en substance - quelques jours plus tard, en pointant du doigt la partie civile.


LIRE AUSSI :

» Menaces sur des jurés : le cas de Fofana plutôt isolé

» Fofana et le «gang des barbares» jugés à Paris

» E., 17 ans, «l'appât» qui a piégé Ilan Halimi

http://philosemitismeblog.blogspot.com/