mercredi 27 mai 2009
L’antisémitisme fleurit-il aussi en Israël?
By ELIAS LEVY, Reporter
Environ 500 incidents antisémites se produisent chaque année en Israël, estime Zalman Gilishenski, fondateur et directeur du Centre Dmir, une Association qui assiste les victimes d’actes antisémites en Israël.
L’incident antisémite le plus sérieux de ces dernières années s’est produit en 2005 lorsque la grande synagogue de Petah Tikvah a été vandalisée et recouverte de croix gammées et de slogans antisémites. Quelques mois plus tard, un militaire israélien natif de Russie a été condamné pour avoir créé le premier Site Internet néonazi en Israël, comprenant des liens vers le livre Mein Kampf d’Adolf Hitler. Ce Site Internet, baptisé “L’union des Israéliens blancs”, affirmait représenter une “Communauté de gens qui sont fiers d’eux et malades de vivre parmi des bâtards juifs”…
D’après un grand spécialiste israélien de l’histoire de l’antisémitisme, l’historien Simon Epstein, professeur à l’Université Hébraïque de Jérusalem, ce phénomène délétére, qui est très troublant, est assez marginal.
“Certains médias occidentaux ont évoqué ce sinistre phénomène en parlant de raz-de-marée imparable. C’est exagéré, dit-il. Des études ont démontré qu’il s’agit d’un phénomène assez marginal. Détrompons-nous! L’antisémitisme n’est pas en train de fleurir en Israël, comme l’affirment, avec une assurance déconcertante, des analystes très critiques de l’État hébreu.”
Effectivement, beaucoup d’Israéliens sont choqués par ces actes antisémites.
“Qui aurait pu imaginer que dans un État fondé par des survivants de la Shoah, des groupuscules néonazis éructeraient un jour, sans la moindre gêne, des insanités antisémites! Ces groupes néonazis exploitent cyniquement les fondements démocratiques de l’État d’Israël pour marteler et propager leur idéologie abjecte. Plusieurs voix se sont élevées à la Knesset pour que, à l’instar d’autres pays démocratiques, Israël promulgue aussi une loi pour punir et bannir ces coteries néonazies”, explique Simon Epstein.
La grande majorité de ces incidents antisémites ont été perpétrés par des jeunes immigrants originaires des anciennes républiques de l’ex-URSS. Sur près de 1.4 millions d’immigrants venus de l’ancienne Union soviétique, plus de 300000 ne sont pas Juifs, selon les statistiques établies par le ministère israélien de l’Intégration, rappelle Simon Epstein.
“Ces actes antisémites sont commis par des jeunes Russes qui se sentent exclus de la société israélienne parce qu’ils ne se considèrent pas Juifs. Ils se sentent aussi marginalisés pour des raisons socio-culturelles. Beaucoup d’entre eux ne vont pas à l’école et se retrouvent donc hors du circuit scolaire conventionnel. Ces jeunes, qui ne se sentent pas Juifs, colportent les préjugés judéophobes qui ont pignon sur rue dans les anciennes républiques de l’Union soviétique, où l’antisémitisme est très virulent.”
Ces jeunes Russes jouent avec les symboles nazis car ils sont conscients de “l’effet de résonance” que la croix gammée et la rhétorique nazie ont dans l’esprit des Juifs israéliens.
“Ils jouent là-dessus parce qu’ils savent l’effet révoltant que ça peut avoir sur les Juifs israéliens. Brandir une croix gammée, c’est un geste qui ne passe pas inaperçu en Israël.”
D’après Simon Epstein, ce problème préoccupe au plus haut point Avigdor Lieberman, chef du parti russophone Israël Beitenou.
“Bon nombre des électeurs d’Israël Beitenou sont des Russes et des Ukrainiens qui veulent que l’on règle une fois pour toutes l’épineuse question de leur statut personnel. En Israël, le seul mariage qui est reconnu officiellement et légalement est le mariage religieux. Dès que vous avez un problème avec la définition de votre judaïsme, les choses se corsent. C’est pourquoi Lieberman s’est fermement engagé durant la dernière campagne électorale à faire valoir son influence pour que le mariage civil soit aussi reconnu légalement en Israël. Ça réglerait le problème identitaire de centaines de milliers d’Israéliens qui ne sont pas reconnus, d’un point de vue halakhique, comme Juifs.”
Il y a une deuxième catégorie de jeunes Israéliens qui commettent aussi des actes antisémites. Mais, à la différence du premier groupe, ces jeunes ne sont pas Russes et sont Juifs, précise Simon Epstein.
“Ces rebelles échaudés voient dans le nazisme et le néonazisme une espèce de secte étrange, mystique, glorifiant des symboles lugubres. Pour eux, c’est une façon de choisir la secte la plus provocatrice qu’on puisse imaginer.”
S’il est vrai que la présence de néonazis en Israël offusque les Israéliens, l’antisémitisme par contre n’étonne pas ces derniers dans la mesure où l’idéologie fondatrice de l’État d’Israël, le Sionisme, a développé depuis longtemps une analyse de l’antisémitisme qui présente ce fléau funeste comme “une donnée inéluctable de l’histoire et de l’existence du peuple juif”, explique Simon Epstein.
“L’antisémitisme accompagne les Israéliens et les Juifs dans toutes leurs pérégrinations, à tous les âges de l’ Histoire juive. Donc, nous ne sommes pas surpris.”
En ce qui a trait aux vagues d’anti-israélisme qui ont cours dans de nombreux pays, notamment depuis la dernière guerre à Gaza, Simon Epstein constate que celles-ci ont des impacts fâcheux sur les Juifs du monde entier.
“Cette recrudescence de l’anti-israélisme a des résonances immédiates, et parfois violentes. Ça fait partie du coût de la défense de l’État d’Israël. De la même façon que nous savons que quand Israël mène une opération antiterroriste il y aura des représailles de la part de nos ennemis avec des fusées ou des actes de terreur, il y a aussi le facteur juif diasporique à prendre en compte. En effet, toute action militaire israélienne d’envergure aura aussi des retombées sur les Juifs de la Diaspora. Pas simplement des retombées médiatiques, mais parfois aussi des retombées physiques. Pour preuve: la hausse des incidents physiques antisémites dans des pays européens, notamment en France. Malheureusement, c’est devenu une donnée incontournable du conflit israélo-arabe.”
In an interview, Israeli historian Simon Epstein talks about anti-Semitism in Israel.