vendredi 22 mai 2009

Procès Fofana. Réflexions sur la barbarie antisémite.



Par Guy Senbel
pour Guysen International News


Cette semaine, nous souhaiterions attirer l’attention de nos lecteurs sur le procès de Youssouf Fofana, accusé de l’enlèvement et du meurtre d’Ilan Halimi le 13 février 2006, et pour lequel il est jugé par la cour d’assises des mineurs depuis le 29 avril dernier. Déféré devant la justice pour avoir mis à mort un homme parce qu’il était juif, Youssouf Fofana a fait vivre à Ilan Halimi vingt-quatre jours d’enfer, vingt-quatre jours de séquestration, vingt-quatre nuits de sévices, pour le faire mourir.


L’accusé, un français d’origine ivoirienne qui revendique son appartenance à l’Islam, comparaît au côté de vingt-six autres membres présumés du « gang des barbares ». Il reconnaît l’enlèvement et la séquestration, mais il nie l’assassinat.

C’est un procès à huis-clos qui a été décidé par les juges, contre l’avis de la famille de la victime et des principales organisations juives qui rappellent que « c’est la loi du silence qui a tué Ilan », craignant que le procès n’ait pas le retentissement espéré… Un homme est mort, en France, parce qu’il était juif.

Les huis-clos sont réservés aux procès sensibles. Celui de Youssouf Fofana l’est assurément : la crainte d’attiser les braises des émeutes dans les banlieues, sans doute, le souci raisonnable de ne pas réveiller un antisémitisme en ébullition dans des cités pauvres où croupissent d’inquiétants ressentiments. Mais la justification du procès à huis-clos, pour l’heure, est d’ordre technique : certains accusés étaient mineurs au moment des faits... Fermé au public, le procès n’en est pas moins théâtral, et il bénéficie d’une couverture médiatique au gré des rebondissements singuliers, parfois curieux, des déclarations injurieuses de l’accusé, souvent outrageux, qui suscitent l’indignation, ajoutent à l’effroyable, et attirent les médias.

Fait rarissime, le parquet s’est associé à la demande de la famille d’Ilan Halimi pour retirer des kiosques le magazine « Choc » qui présente en page de couverture Ilan Halimi agenouillé, pistolet sur la tempe, le visage masqué par un épais scotch argenté, les poignets entravés, un quotidien posé sur le torse. On devine son visage tuméfié, les narines gonflées par les coups, du sang. Clichés voyeuristes ou atteinte à la dignité humaine, la justice a compris que pour la famille de la victime, cette photo est particulièrement intolérable.

Alors que la presse occidentale suit l’affaire avec intérêt et n’hésite pas à présenter le procès Fofana comme celui de la « barbarie antisémite », décrivant avec souci du détail des scènes qui ressemblent à la séquestration de Daniel Pearl, d’aucuns parmi les journalistes français ont parfois hésité à affirmer clairement le caractère antisémite du meurtre, comme si ce crime pouvait ne pas être un crime antisémite. La présence de Jacques Chirac à la cérémonie religieuse organisée à la mémoire d’Ilan Halimi en 2006 avait pourtant marqué la reconnaissance par la France que le crime avait bien été commis parce qu’Ilan était un juif.

Le déroulement du procès met un terme à la distinction opérée entre crime crapuleux et crime antisémite. Fofana a d’abord voulu montrer qu’il était une crapule. Au deuxième jour de son procès, il avait menacé de mort les jurés et la présidente de la cour d’assises. Mercredi 20 mai, l’accusé a récusé l’une de ses avocates, convaincu qu’elle porte un nom à consonance juive. Le chef du « gang des barbares » l’a congédiée au motif qu’elle serait de religion juive… C’est au cours de son procès que l’accusé montre ce qui anime sa haine et motive ses actes, la recherche permanente d’un « ennemi intérieur », expression qu’il a d’ailleurs employée pour qualifier son « avocate juive » au cours d’une audience, lundi 18 mai.

L’antisémitisme de Youssouf Fofana, celui qu’il incarne désormais pour avoir choisi la violence et le crime, n’est pas un antisémitisme d’un genre nouveau. Il convient certes de s’interroger sur la filiation possible avec l’idéologie islamiste. Ranimés par les propos d’un humoriste passé de mode ou par l’Iran qui a appelé à détruire Israël, les préjugés antisémites de Youssouf Fofana s’inscrivent dans l’imaginaire antisémite d’un âge ancien. Nocifs, objet de prédations, Fofana s’est inventé une nouvelle légitimité, celle qui consiste à déposséder les Juifs de leurs biens. Tout fut permis pour atteindre l’objectif, toucher la rançon, y compris les actes de sauvagerie qui consistent à torturer un homme pendant 24 jours. Acte de déchaînement organisé, signe de résistance des haines maudites qui ne disparaissent donc jamais, le crime commis contre Ilan Halimi ressemble à celui commis contre les Juifs en Pologne au nom des meurtres rituels inventés jusqu’aux lendemains de la Shoah. Ilan Halimi a été tué en 2006 comme on brûlait les Juifs en France au temps de Saint-Louis, comme ceux que les nazis fusillaient en Ukraine ou ailleurs dans l’Est de l’Europe.

Non, le procès Fofana n’est pas un procès de fait-divers, c’est le procès des préjugés qui tuent, ceux qu’il faut combattre dans la vie de tous les jours. Selon un sondage commandé par SOS-Racisme, et publié au mois de mars 2009, 38% des personnes interrogées considèrent que « les Juifs ont une influence particulière dans la finance et les médias »…

Ce soir, nous pensons à Guilad Shalit, citoyen français et soldat de Tsahal, otage du Hamas à Gaza depuis 1063 jours.