dimanche 3 mai 2009
Les Juifs du Maroc ont peur
By ELIAS LEVY, Reporter
Cette année, Pessah a eu un goût très amer pour la Communauté juive du Maroc.
Joseph Amar, 68 ans, bijoutier à la retraite, a été assassiné sauvagement la veille de la fête de Pessah dans une ruelle de Casablanca. Pour lui dérober une poignée de dirhams marocains qu’il portait sur lui, un jeune loubard lui a infligé deux coups mortels de couteau, l’un au coeur et le second au dos, au niveau du rein.
Ce crime abject a profondément bouleversé la petite Communauté juive du Maroc, qui ne compte plus que quelque 2500 âmes.
Le magazine marocain de langue française Maroc Hebdo International a consacré un long article à cet assassinat infâme -cet article- enquête a fait la une de l’édition du 10 au 16 avril de Maroc Hebdo International -no. 834-, avec une grande photo du défunt assassiné-.
Joseph Amar a vu le jour au Mellah, quartier juif de l’ancienne Médina de Casablanca, raconte l’auteur de cet article, le journaliste L. Bernich. Il a passé là-bas la plus grande partie de sa jeunesse avant de déménager dans un petit appartement sis sur le Boulevard Bordeaux, au cinquième étage d’un immeuble au-dessus du Cinéma Verdun. Un quartier qui jadis abritait la plupart des Juifs casablancais. En attestent les cinq synagogues et le Cercle de l’Alliance Israélite, Centre culturel juif, qui s’y trouvent toujours. À l’époque coloniale française, ce quartier était surnommé “la petite Tel-Aviv”, en référence à la capitale d’antan de l’État d’Israël.
Le commerce de bijoux de Joseph Amar se trouvait à l’ancienne Médina, sur la rue de Rabat. Il était fermé depuis quelques années, l’orfèvre n’ayant pas réussi à faire face à la concurrence féroce de ses jeunes rivaux installés eux aussi dans ce quartier de bijoutiers. Jusqu’à sa mort brutale, Joseph Amar gagnait sa vie en achetant des lots d’occasion de montres, de bijoux et d’objets d’antiquité dans les marchés informels, qu’il écoulait ensuite dans son réseau relationnel constitué essentiellement de Juifs Marocains. De l’avis de tous ses compagnons, Joseph Amar n’a jamais réussi à faire fortune. Il vivait modestement et bouclait difficilement ses fins de mois.
Il habitait depuis une quarantaine d’années dans le quartier où il a été cruellement assassiné. Tout le monde le connaissait dans ce quartier. De l’épicier, qui le saluait tous les matins, au cafetier, qui lui servait son petit noir quotidien, en passant par le marchand de fruits du coin. Jamais il n’aurait cru qu’il serait attaqué dans des lieux aussi familiers, relate L. Bernich.
“Les premiers éléments de l’enquête menée par la police de Casablanca montrent que la victime est un Marocain de confession juive. Joseph Amar était coiffé d’un béret comme le veut la tradition hébraïque. Cet indice change la donne. L’alerte générale est déclenchée. Et si ce fait divers cachait un crime antisémite ou un attentat terroriste? La machine sécuritaire marocaine s’ébranle. Le mobile de cet assassinat doit être élucidé dans les plus brefs délais pour couper court à toute spéculation. D’autant plus que le Bureau de la lutte anti-terroriste israélien a diffusé, à la mi-mars, juste avant Pessah, une liste noire des pays représentant un risque potentiel pour les touristes israéliens désirant s’y rendre. Et le Maroc y figurait en bonne place. De quoi décourager les 800000 Juifs marocains que compte l’Etat hébreu et ceux de la Diaspora qui viennent, chaque année, célébrer la Mimouna, et à l’occasion, pour beaucoup, se recueillir sur les tombes de leurs ancêtres et de leurs saints”, précise L. Bernich.
D’aucuns doutent que cette alerte émise par les services israéliens à la veille de chaque grande fête juive n’est qu’une machination destinée à briser une double allégeance dérangeante pour l’État hébreu, ajoute le journaliste de Maroc Hebdo International.
“Quoiqu’il en soit, les autorités marocaines ne veulent pas que les rumeurs sur le meurtre de Joseph Amar s’amplifient, écrit-il. Surtout que l’assassinat d’Albert Rebibo par des mains obscures islamistes est toujours dans les esprits. Ce commerçant de 55 ans a été tué le 11 septembre 2003, par balles à bout portant, par deux individus cagoulés, appartenant au mouvement intégriste de la Salafia Jihadiya, alors qu’il fermait son magasin dans le Souk populaire de Casablanca, El Korea. C’était le jour anniversaire des attentats du 11 septembre aux États-Unis. Plus loin encore, la tentative d’assassinat de l’homme d’affaires également de confession juive Baby Azencott, en juin 1996, au quartier Belvédère à Casablanca, qui avait été touché par une balle à l’épaule. Douze ans après, cette affaire n’a toujours pas été élucidée, malgré la découverte en mars 2008 de l’arme du crime à Nador dans le cadre du démantèlement du réseau islamiste Belliraj. C’est dire combien il est urgent pour la police casablancaise d’élucider les circonstances de l’assassinat de Joseph Amar”, note L. Bernich.
Les Juifs du Maroc sont très inquiets. L’arrestation par les autorités policières de Casablanca de l’auteur de cet assassinat ignoble n’a pas apaisé leurs craintes.
“Malgré l’arrestation du coupable et la découverte du mobile du meurtre, la Communauté juive marocaine n’est pas rassurée pour autant. Des questions subsistent. Un scepticisme non sans fondement. Ce n’est pas la première fois qu’un crime crapuleux sème la panique parmi les Marocains israélites. L’assassinat du Rabbin Elie Aferyat, 75 ans, le 13 septembre 2003 à Meknès, par deux individus après lui avoir volé 150 dirhams, a autant secoué les Juifs marocains. Depuis les attentats du 16 mai 2003 de Casablanca, qui ont visé le Cercle de l’Alliance Israélite et l’ancien cimetière juif de Méhara aux abords de l’ancienne Médina, un climat de psychose s’est installé dans la Communauté juive du Maroc. Les citoyens marocains de confession juive, qui ne sont plus que 2500, se sentent menacés malgré le renforcement de la sécurité devant les lieux de culte et les établissements scolaires et culturels hébraïques”, écrit L. Bernich.
The small Jewish community of Morocco is concerned about its safety following the recent stabbing of one of its members for no apparent reason, according to an article in Maroc Hebdo.