mardi 26 mai 2009
Quelques vérités sur les Chrétiens palestiniens
Chrétiens en prière à Nazareth
Photo: Bloomberg/Jonathan Nackstrand , JPost
Par SETH J. FRANTZMAN
Les Arabes chrétiens ont toujours représenté une force politique. Encore davantage avec la visite de Benoît XVI en Terre sainte. Les membres de cette communauté sont, pour certains, les victimes emblématiques de la loi islamique.
A Gaza, par exemple, leurs magasins sont incendiés par les hommes du Hamas. Par ailleurs, ils sont souvent utilisés par les médias occidentaux pour prouver que la barrière de sécurité israélienne isole les Chrétiens de Bethléem de ceux de Jérusalem. Même si la communauté se réduit comme peau de chagrin, elle attire de plus en plus l'attention. Elle est ainsi la pièce maîtresse de l'ouvrage de Jimmy Carter : Palestine : la paix et non l'apartheid.
Laissons de côté les mythes circulant sur les Chrétiens palestiniens pour analyser objectivement leur histoire. Andrew Lee Butters note, dans un article paru récemment dans le Time Magazine, que "la création de l'Etat d'Israël a été un désastre pour les Chrétiens du Moyen-Orient.
Beaucoup de réfugiés palestiniens... étaient des Chrétiens. L'arrivée massive des réfugiés palestiniens au Liban a déclenché une guerre civile entre Musulmans et Chrétiens...
L'occupation actuelle de la Cisjordanie par Israël étrangle les communautés chrétiennes qui y sont restées."
Villages chrétiens préservés au cours des guerres
La réalité est bien différente de ce tableau. Il y avait environ 15 000 Arabes chrétiens dans la Palestine britannique, à la veille de la création de l'Etat d'Israël.
Quelque 75 685 Chrétiens ont fui le jeune Etat d'Israël. Seuls 32 000 demeurent dans l'Etat hébreu en 1949, la plupart à Nazareth et dans quelques villages de Galilée et à Haïfa, Acre et Jaffa.
Les retours et regroupements familiaux ont amené leur nombre à 39 000 en 1951. La plupart des réfugiés chrétiens sont originaires de Jaffa, Haïfa et Jérusalem-Ouest, mais la plupart d'entre eux ont fui avant même la création d'Israël en mai 1948.
Pendant la guerre d'Indépendance, la communauté chrétienne fait l'objet d'une attention particulière. David Ben Gourion ordonne ainsi à ses troupes de préserver les lieux saints de Nazareth : "Ceux qui rentreront dans la ville doivent faire en sorte de préserver méticuleusement les lieux saints", déclare-t-il, le 16 mai 1948. Les villages chrétiens de Galilée, qui cohabitent souvent avec les Druzes, sont souvent préservés des attaques israéliennes.
Contrairement aux idées reçues, les Chrétiens ont démographiquement profité de la création de l'Etat d'Israël. Leur proportion est passée de 1 sur 7 (14 %) parmi la population arabe à 1 sur 3 (33 %) dans les années 1950. Ils ne représentent pas la "majeure" partie des réfugiés.
Au contraire, ils ne forment qu'une petite minorité et s'en sortent bien mieux que leurs voisins musulmans. La plupart font partie de la classe moyenne, sont éduqués et parlent plusieurs langues étrangères. Ainsi, de nombreuses familles s'assimilent facilement en Occident, comme par exemple celles d'Edward Said et John Sanunu (le conseiller de Ronald Reagan).
Les Chrétiens palestiniens sont urbains. En 1947, 115 000 vivent dans des villes. Ils sont ainsi plus vulnérables pendant la guerre d'Indépendance mais cette situation géographique leur permet aussi de fuir plus facilement.
Les Chrétiens d'Israël plus chanceux que ceux des territoires
Les communautés chrétiennes ont surtout souffert en Judée-Samarie où les réfugiés musulmans ont cyniquement pris leurs maisons. Ainsi, avant la guerre d'Indépendance, Ramallah, qui compte
5 000 habitants, est à 90 % chrétienne.
Bethléem est peuplé à 80 % de Chrétiens pour 9 000 habitants. En 1967, la population de cette ville atteint le cap de 16 000. Mais seulement 6 400 habitants sont chrétiens. Quant à Ramallah, elle est aujourd'hui une ville à très grande majorité musulmane.
Le Liban a certainement souffert de l'arrivée anarchique des réfugiés palestiniens sur son territoire, mais les Chrétiens ont surtout été touchés par la guerre civile jordanienne en 1970.
A la suite de ce conflit, Yasser Arafat a créé un Etat à l'intérieur du pays du Cèdre. Ses alliances avec d'autres milices musulmanes ont déstabilisé le pays. Loin d'être victimes d'un étranglement, les Chrétiens ont eu accès à l'économie, l'éducation et les soins médicaux israéliens.
Au contraire, le coup d'Etat du Hamas à Gaza, après le retrait des troupes israéliennes, a porté un coup fatal à la communauté chrétienne de l'étroit morceau de terre.
Même s'ils ne représentent que 2 % de la population, les Chrétiens d'Israël s'en sortent mieux que ceux des territoires palestiniens.
L'autre facette des Chrétiens en Terre sainte montre que la communauté a totalement soutenu les thèses du nationalisme arabe. Ainsi, Mathilda Moghannem, Protestante féministe palestinienne, déclare en janvier 1948 que les "Chrétiens vont devenir musulmans pour vaincre le sionisme".
George Habash, le fondateur du groupe terroriste communiste FPLP (Front populaire de libération de la Palestine), était un Chrétien, tout comme la femme de Yasser Arafat. Dans les années 1970, un prêtre catholique, Hilarion Carucci, porte même les armes pour l'OLP (Organisation de Libération de la Palestine).
Les Chrétiens palestiniens souffrent périodiquement de vagues d'intimidation et de harcèlement. Leurs églises sont souillées et recouvertes de graffitis. Les femmes chrétiennes, lorsqu'elles se marient avec un Musulman, doivent se convertir et élever leurs enfants selon les principes de l'islam. En revanche, des règlements de compte éclatent lorsque des rumeurs font état d'une histoire d'amour entre un Chrétien et une musulmane.
Pour Larry Derfner (voir dossier "Vivre à l'ombre du Dôme du rocher" p. 16-17), les Chrétiens sont "une minorité qui s'intègre et qui garde ses plaintes pour elle-même. Les attaques dont cette dernière est victime reflètent un 'ressentiment de classe'. De telles conclusions rappellent le quotidien des Juifs d'Europe avant la Shoah. Les populations cherchaient n'importe quelle excuse pour attaquer les membres de la communauté."
L'auteur a écrit sa thèse de doctorat sur les Arabes chrétiens, à l'Université hébraïque de Jérusalem.