samedi 16 mai 2009

Les Sépharades dans la politique israélienne

By ELIAS LEVY, Reporter

“Aujourd’hui, les Sépharades sont en nette régression dans la politique israélienne.

Ils ne jouent plus un rôle dominant, comme c’était le cas il y a une dizaine d’années. Le Séphardisme politique israélien bat sérieusement de l’aile. Il ne reste plus que les politiciens ultra-orthodoxes du Shass. Mais le Shass est-il réellement un parti sépharade? Cette formation politique fondamentaliste défend-elle vraiment les droits et les intérêts des Sépharades d’Israël? Je crois qui si cette tendance pernicieuse s’accentue, les Sépharades payeront très cher leur marginalisation dans l’échiquier politique israélien.”

L’ex-journaliste du quotidien de gauche Ha’aretz, Daniel Bensimon, ne fait pas dans la dentelle lorsqu’il livre ses réflexions sur la situation des Sépharades dans le monde politique israélien.

Élu député à la Knesset sous la bannière du Parti Travailliste lors des dernières élections israéliennes, ce Sépharade d’origine marocaine de 55 ans, né à Meknés et ayant fait son Aliya quand il avait 14 ans, rappelle que toutes les tentatives de forger un projet politique sépharade viable se sont avérées de “cuisants échecs”. En effet, ni le parti Tami, fondé par Aharon Abuhastsera au début des années 80, ni le parti Gesher, fondé par David Lévy en 1995, après avoir démissionné avec fracas du Likoud, n’ont survécu.

“Il ne reste plus grand-chose de sépharade dans l’establishment politique dirigeant de l’État d’Israël”, lance Daniel Bensimon en entrevue depuis son bureau de la Knesset, à Jérusalem.

Une preuve patente de la déliquescence du Séphardisme politique israélien, souligne-t-il: l’adhésion d’Orli Lévy, fille de David Lévy, au parti russophone Israël Beitenou, fondé et dirigé par Avigdor Lieberman, actuel ministre des Affaires étrangères dans la coalition gouvernementale dirigée par Benyamin Netanyahou.

Âgée de 35 ans, mariée et mère de trois enfants, Orly Lévy, juriste de formation, polyglotte, ancien mannequin et ex-présentatrice vedette de la télévision israélienne, est, selon Daniel Bensimon, l’“une des jeunes politiciennes israéliennes les plus brillantes et prometteuses de sa génération”.

Avigdor Lieberman lui a proposé la troisième place dans la liste électorale d’Israël Beitenou. La recrue vedette numéro 2 de ce parti d’extrême droite est aussi une femme, Anastasia Mikhali, une olah russe de 33 ans, ancienne mannequin, mère de sept enfants, qui s’est convertie au judaïsme quand elle émigra en Israël il y a huit ans.

“Pour me frayer une place dans la liste électorale du Parti Travailliste, j’ai dû trimer comme un fou et passer le test très difficile des primaires. Un long et éreintant processus qui a duré un an, rappelle Daniel Bensimon. Avigdor Lieberman a constitué sa liste électorale en fonction de ses goûts et ses humeurs. Personne ne sait encore pourquoi il a choisi comme numéro 2 de son parti la ravissante ex-mannequin Anastasia Mikhali? Israël Beitenou est un parti one man show! C’est une honte pour la démocratie israélienne! Il n’y a que les partis ultra-orthodoxes sépharades et ashkénazes qui constituent leurs listes électorales d’une manière aussi grotesque. Dans le passé, on avait le Grand Rabbin sépharade Ovadia Yossef. Aujourd’hui, on a le Grand Rabbin laïc Avigdor Lieberman! Tous les deux emploient la même sinistre méthode électorale!”

D’après Daniel Bensimon, l’adhésion d’Orli Lévy à Israël Beitenou est un “camouflet cinglant” pour l’élite politique sépharade israélienne.

“En optant pour le parti d’Avigdor Lieberman, Orli Lévy rappelle avec force le peu d’affinités qui existent entre les Sépharades et le parti ultra-orthodoxe Shass, qui se targue de représenter fièrement tous les Juifs orientaux d’Israël. Le Shass est sûrement un parti à vocation sociale mais certainement pas une entité politique prônant et perpétuant les valeurs traditionnelles sépharades. N’oublions pas que le Sépharade israélien est un être hybride: le samedi matin il prie à la synagogue et l’après-midi il va se faire bronzer à la plage ou se retrouve dans un terrain de football. Les hérauts du Shass n’ont pas encore saisi cette nuance capitale.”

Après une campagne ardue, Daniel Bensimon a été élu président du groupe parlementaire du Parti Travailliste à la Knesset. Très sensible aux problèmes sociaux qui sévissent dans les villes de développement du Sud d’Israël, auxquelles il a consacré de nombreux reportages et enquêtes socioéconomiques quand il était journaliste, Daniel Bensimon est convaincu que le Parti Travailliste est “un cadre politique plus propice” pour un Sépharade qui veut militer sans contraintes et gravir les différents échelons menant au pouvoir.

“C’est au Parti Travailliste qu’Amir Peretz, Marocain d’origine, a été élu chef de cette formation politique. Le Likoud est certainement le parti des Sépharades marocains. Ces derniers continuent à former la base populaire de ce parti. Mais, jusqu’ici, aucun Sépharade n’a dirigé le parti de Menahem Begin. Et, en 1991, quand David Lévy, ministre des Affaires étrangères, devait se rendre à la Conférence de paix de Madrid -où n’ont participé que des ministres des Affaires extérieures-, Yitzhak Shamir ne lui a pas fait confiance. Il l’écarta de cette conférence historique avec beaucoup de dédain. Un geste mesquin que David Lévy n’a jamais digéré. Au Likoud, les Sépharades ont toujours eu une place: subalterne!”


In an interview from his office in Jerusalem, former journalist, member of Knesset Daniel Bensimon talks about the role of Sephardim in Israeli politics.

http://www.cjnews.com/index.php?option=com_content&task=view&id=16858&Itemid=86