lundi 4 mai 2009

Rengaines



Gilles William Goldnadel

Le Figaro, dans une série d’enquêtes, décrit le rôle des organisations d’extrême gauche dans la radicalisation des conflits sociaux, à commencer par les séquestrations de cadres et de patrons. Il a raison, mais c’est un peu court. Le quotidien madrigal a tort, dans son analyse, d’épargner des médias toujours aussi tendres à l’égard des durs quand ils sont rouges. Il suffit d’écouter les reportages de France Info sur le sujet pour comprendre pourquoi une majorité de Français commence à approuver les débordements d’une colère sanctifiée.


Il faut entendre les discours jusqu’au-boutistes sur fond de désespoir scénarisé, il faut entendre ensuite des syndicalistes expliquer sur un ton bon enfant que retenir n’est pas vraiment séquestrer, il faut enfin assister à la sortie de cadres fraîchement libérés, tous atteints d’un syndrome scandinave, expliquer qu’ils ont été merveilleusement traités.

Puisqu’on est à la radio, restons-y : les journaux ont rendu un juste hommage à Macha Béranger, qui vient de mourir. Ils ont relaté l’amertume de celle-ci d’avoir été évincée de France Inter, en dépit des protestations de très nombreux auditeurs.

Ce n’est pas ce qui risque d’arriver à Daniel Mermet. Moralité : mieux vaut désespérer les braves types en diffusant des messages haineux que de les réconforter en les écoutant parler d’amour.

Mention spéciale pour Pierre Assouline : avec un courage chevaleresque, il a cru devoir piétiner rageusement la dépouille encore chaude de Maurice Druon, coupable d’être à la fois, de droite et « réactionnaire et conservateur » (ce qui est selon moi, quelque peu antinomique).

Il est vrai que le co-auteur du Chant des Partisans, avait également eu le mauvais goût de faire de la résistance. Bref, pour le rebelle Assouline, potentat des arts et des lettres, autant dire un authentique salaud ne méritant ni de vivre, ni même de mourir en paix.

Je ne serai plus moi-même, si je ne faisais pas semblant de m’étonner de la différence de traitement entre Gaza et le Sri Lanka. Ici et là : une population civile largement prise en otage par des groupes terroristes féroces, car disons-le, les tigres tamouls n’ont rien à envier au Hamas en matière de mépris de la vie humaine, et ici et là encore, deux États souverains contraints de recourir à la force armée.

La seule différence est que l’armée cingalaise n’a pas fait dans le détail pour réduire à merci la guérilla terroriste.

Il est vrai, qu’elle ne subit pas les contraintes de la presse internationale, de la Ligue des Droits de l’Homme, de l’extrême gauche altermondialiste.

Il est vrai, que les foules enturbannées et leurs compagnons de route extatiques, n’ont pas foulé le pavé en hurlant au génocide et aucun reporter sans frontières ne se plaint de ne pouvoir franchir celle qui sépare le réduit tamoul du reste de Ceylan.

Pour une fois, cependant, je ne serai pas seul à entonner mon éternelle rengaine sur le traitement particulier réservé à Israël : mon vieux compagnon du soir, sans bien entendu se fendre d’une explication politique, psychologique, voire métaphysique, se contente de constater l’incontestable : « Même à l’ONU, les tragédies ne se valent pas. Des dizaines de milliers de sri lankais l’apprennent à leurs dépens. Depuis trois mois, dans le nord-est de l’ile, ils sont pris au piège de violents combats entre une armée gouvernementale brutale et la rébellion sans scrupules des Tigres. Si en janvier, la guerre dans la bande de Gaza avait, à juste titre, provoqué un tourbillon diplomatique, rythmée de réunions nocturnes du Conseil de sécurité, les civils sri lankais meurent dans une relative indifférence.

La tiédeur de la réaction onusienne s’explique difficilement. Selon les chiffres officieux de l’Organisation, invérifiables, faute d’observateurs, près de 6500 personnes ont déjà péri – cinq fois plus qu’à Gaza – ». (Le Monde du jeudi 30 avril).

« Le crime est presque parfait. Près de 6 500 sri lankais sont morts selon les estimations de l’ONU, sans qu’aucun cadavre n’apparaisse à la « une » des journaux sur les écrans de télévision. Les autorités de Colombo ont efficacement empêché tout témoignage sur la zone des combats ». (Le Monde du 2 mai).

À ce stade, si je fais humblement marquer que les cingalais ne sont pas Juifs, on va dire encore que j’exagère ?