jeudi 11 septembre 2008

Comment les islamistes recrutent en France

JEAN CHICHIZOLA


COMMENT devient-on fou de Dieu dans la France de 2006 ? Une note récente des Renseignements généraux, que Le Figaro a pu consulter, livre, sous le titre « Le processus de radicalisation dans la mouvance islamiste », quelques éléments. Les RG évoquent à la fois les acteurs (cibles et recruteurs), les mouvements et les lieux de radicalisation. Concernant les acteurs, le rapport, pour éviter toute stigmatisation, souligne que la France compte environ cinq millions de personnes de religion musulmane.

Sur cet ensemble, les radicaux viseraient tout particulièrement les jeunes pratiquants, estimés à un peu plus de 200 000. En comparaison, la mouvance la plus dangereuse, celle des salafistes, ne regroupe au plus que 5 000 militants. Bon niveau d’études Les recruteurs n’en sont pas moins présents. Dans la quasi-totalité des cas, ils sont plus âgés que leurs proies (30 ans en moyenne, selon le rapport). Les RG constatent qu’ils ne commencent pas par le discours religieux, mais les abordent avec les difficultés de la vie quotidienne. Les recruteurs cherchent à connaître leurs envies ou leurs centres d’intérêt. Selon la note, ils ont souvent poursuivi des études et nombre d’entre eux exercent des professions scientifiques. Ils affirment souvent avoir réussi grâce à l’islam. Au chapitre du vivier de recrutement, le rapport évoque les jeunes Français des banlieues, majoritairement issus de familles originaires du Maghreb ou d’Afrique noire, frappés par la crise économique. Les RG soulignent que la radicalisation frappe « de plus en plus vite des individus de plus en plus jeunes ». D’où la nécessité de détecter les démarches le plus tôt possible. Les femmes joueraient un rôle de plus en plus actif dans ces processus de radicalisation. La floraison sur Internet de forums de discussion réservés aux femmes en serait un signe. Les convertis fournissent aussi un vivier intéressant pour les salafistes. Selon les Renseignements généraux, le quart des 1 610 convertis, recensés en 2005, ont adhéré à leur idéologie. En prison, 12 % de ceux qui ont été identifiés comme prosélytes sont des convertis. Le rapport retient deux grandes écoles de pensée de réislamisation radicale. D’un côté, les piétistes notamment du Tabligh, un mouvement d’origine indo-pakistanaise implanté en France depuis 1972 (10 % des pratiquants). Plusieurs terroristes démasqués ces dernières années étaient passés par ses écoles en Europe et dans la zone Pakistan-Afghanistan. De l’autre, le salafisme – ennemi des précédents – présenté pour son activisme et son exaltation du djihad, comme « le noyau dur de la menace pour la République ». Apparu en France en 1997, il ne serait pas structuré, mais les RG soulignent qu’il tend à se développer. En prison, 173 «prosélytes » Les salafistes s’appliquent à occuper les endroits où l’on peut prêcher la radicalisation. Les mosquées d’abord, qui fournissent des points de ralliement, de propagande et une source de financement grâce à la quête. La prison ensuite, qualifiée par les auteurs du rapport de « lieu de prosélytisme et de recrutement actif ». Ce sont 173 « prosélytes » qui auraient été recensés pour une population d’environ 60 000 détenus dont 2 000 classés « dangereux ». Les délinquants de droit commun de culture musulmane seraient plus actifs que les condamnés pour terrorisme particulièrement surveillés. Les « barbus » se seraient fixé un nouvel objectif : les établissements scolaires et les crèches islamistes clandestines. Pour étayer leur propos, le rapport cite les recommandations de docteurs de la foi salafiste : « Il n’est pas permis (aux croyants) d’abandonner ce qu’ils ont de plus cher à des enseignantes mécréantes. »