jeudi 11 septembre 2008
Les salafistes ont conquis de nouvelles mosquées en Ile-de-France
(Le Monde)
Un recensement des renseignements généraux attribue 32 lieux de culte à des islamistes radicaux
La montée en puissance du courant salafiste se confirme dans les mosquées. Les renseignements généraux de la préfecture de police (RGPP) viennent de terminer le recensement annuel des lieux de culte musulman en Ile-de-France.
A ce jour, 32 mosquées ou salles de prières se trouvent sous le contrôle d'islamistes radicaux, dont la grande majorité sont des salafistes.
Ces derniers sont partisans d'un islam rigoriste, d'inspiration wahhabite. C'est 10 de plus que l'an dernier. Au total, la région compte 373 lieux de culte officiels.
Sur ces 32 emplacements, 20 se trouvent dans la petite couronne, en particulier en Seine-Saint-Denis, mais aussi dans les Hauts-de-Seine et le Val-de-Marne. Trois d'entre eux sont situés dans Paris intra-muros. Selon les RGPP, les salafistes, qui contrôlent la majeure partie de ces lieux de culte, veulent en faire des centres de propagande dont le rayonnement peut dépasser les limites de la commune. Ils y organisent des cours coraniques, des conférences téléphoniques avec des cheikhs saoudiens, mais aussi de nombreuses activités culturelles et des sorties en groupe, qui leur permettent de supplanter les associations dans les quartiers.
Le terreau est fertile : les jeunes issus de l'immigration, renvoyés en permanence à leurs origines et confrontés à un chômage massif, ne manquent pas dans les quartiers sensibles. Les RG ont également noté le développement du phénomène des convertis, ces jeunes Blancs des banlieues qui se tournent vers l'islam pour faire comme leurs camarades. "On a constaté ce phénomène d'intégration à l'envers dans les manifestations pour le voile", remarque un responsable policier.
PRISE DE POUVOIR
Les dix nouvelles conquêtes des salafistes ne constituent pas des surprises, puisque ces lieux étaient déjà convoités il y a un an. Selon les RG, la prise de pouvoir débute toujours de façon identique : par un conflit de générations entre les anciens, au pouvoir, et les jeunes, qui le convoitent. L'imam en place s'interdit généralement d'évoquer des questions politiques ; les jeunes salafistes, au contraire, sont fortement politisés. Leur objectif est la défense des musulmans dans le monde. Leurs discours sont émaillés de références au communautarisme, au port du voile, à l'impérialisme américain ou encore au conflit du Proche-Orient.
Ils commencent donc par émettre des critiques contre l'imam en place, jugé peu scrupuleux dans son interprétation des textes sacrés. La direction de la salle peut être également mise en cause pour sa gestion du zakat, l'aumône légale qui constitue l'un des cinq piliers de l'islam. Le doute est ainsi instillé dans l'esprit des croyants.
Certains imams informent les renseignements généraux de l'influence grandissante des salafistes dans leurs salles. L'un d'eux, en Seine-Saint-Denis, a préféré fermer sa mosquée à l'été 2003, car il redoutait un coup de force en son absence.
Le plus souvent, les policiers ne peuvent qu'enregistrer cette tendance, impuissants, car elle se manifeste rarement dans l'illégalité. Les plaintes pour des actes de violence sont très rares. En 2003, les imams et les gestionnaires de trois mosquées ont été convoqués à la brigade criminelle, à Paris, pour y recevoir une mise en garde. Les policiers avaient eu vent de propos relevant de l'incitation à la haine raciale ou de l'apologie du terrorisme. En conséquence, deux des trois imams ont été écartés par la direction de leur mosquée.
Mais, dans l'ensemble, les prêches sont devenus plus lisses. La prudence incite les imams à se montrer plus allusifs, multipliant les paraboles et les références historiques. "L'imam préfère dire que le voile symbolise la dignité de la femme, plutôt que d'appeler à manifester en assurant que le port est obligatoire", explique-t-on aux RGPP.
FERMETURES DE CRÈCHES
Une autre tendance, constatée par les services de police, est l'apparition de crèches islamistes. Arrêté le 19 mai 2003 dans l'enquête sur l'assassinat du commandant Massoud, Mohammed B. a participé, selon les services de renseignement français, à l'organisation de stages d'entraînement (dans la forêt de Fontainebleau, dans le Jura, en Normandie), qui constituaient des préparations au djihad. Quelques semaines avant son interpellation, il a quitté la présidence de l'association, sise à son domicile de Fontenay-aux-Roses, qui dirigeait une crèche, le Jardin des enfants. Des cours d'arabe et un enseignement du Coran étaient dispensés à des enfants âgés de 4 à 6 ans. Le préfet a décidé la fermeture administrative du lieu.
Le même jour, à Anthony, les activités d'une autre crèche coranique de ce type, dirigée par un salafiste, étaient également interrompues. Le même sort a été réservé, le 12 janvier, à Argenteuil (Val-d'Oise), à une halte-garderie musulmane.
Piotr Smolar
Le Monde