samedi 13 septembre 2008

LES LARMES DES CHRETIENS D'ORIENT


L'éditorial d'Étienne de Montety du 24 mars.

Dimanche, les chrétiens célébraient la résurrection du Christ ; les enfants ont fait la chasse aux œufs en chocolat dans les jardins ; tout le monde a savouré un week-end prolongé : c'est ainsi, en France, le triduum pascal se traduit désormais par «pont de trois jours». Pâques, que ce soit au balcon ou aux tisons, est un moment paisible de la société occidentale bercé par une bénédiction pontificale urbi et orbi. À peine, cette année, quelques grondements ont accompagné le baptême par Benoît XVI d'un journaliste italien d'origine musulmane, Magdi Allam, perturbant le déjeuner dominical et rappelant que la liberté n'est pas un dogme sous toutes les latitudes.

À quelques milliers de kilomètres de là, en Irak, le pays d'Abraham, des chrétiens payent dans leur chair le prix de l'intolérance. Leur calvaire ne suscite guère d'émoi. Le 13 mars, Mgr Rahho, évêque de Mossoul, était retrouvé mort. L'information a été publiée. Et après ? Il est la figure symbolique du martyre enduré par les chaldéens depuis cinq ans. Paradoxe de l'histoire, Saddam Hussein leur ménageait une relative tranquillité. Celle-ci est aujourd'hui gravement menacée par les islamistes qui reprochent à la très ancienne communauté chrétienne de Mésopotamie d'être complice des Américains.

Depuis six mois, les initiatives se multiplient en faveur des chrétiens d'Orient. En janvier, Jean d'Ormesson a sonné le tocsin dans Le Figaro Magazine. Cela a permis d'amorcer un début de prise de conscience des chrétiens de France en faveur de leurs frères d'Orient. Au nom du mouvement Pax Christi , l'évêque de Troyes, Marc Stenger, ne ménage pas ses efforts pour élargir celle-ci aux dimensions de tout le pays.

Que d'énergie pour que quelques portes s'ouvrent. Le tam-tam médiatique que nous connaissons bien, et qui peut faire merveille pour porter une juste cause au premier plan de l'actualité, reste muet. Pourquoi ? Est-ce à dire, comme l'écrivait récemment Jacques Julliard, que nous aurions «à ce point honte de nos origines que la persécution dont sont victimes les chrétiens dans une bonne trentaine de pays dans le monde musulman, dans le monde hindouiste, dans le monde communiste nous laisse indifférents » ? On n'ose l'imaginer. Aujourd'hui, les regards sont légitimement tournés vers le Tibet insurgé. L'émotion est facilitée par un fait objectif. La résistance tibétaine a un visage internationalement connu et respecté : le dalaï-lama, qui incarne ce pays, sa culture et sa pugnacité. Il bénéficie d'une curiosité spontanée de la part des Occidentaux, assortie d'une compassion méritée.

Vue d'Europe, la situation des chrétiens d'Orient paraît floue : qui sont-ils ? Chaldéens, syriaques, Coptes, melkites, autant d'Églises, autant de particularismes, autant de situations. Leur histoire est mal connue. Quoique chrétiens, ils sont patriotes. Or la vulgate européenne croit l'Irak, la Syrie, l'Égypte uniformément musulmans. Les repères simples nécessaires à une mobilisation font défaut. Sans leader charismatique, sans capacité de rébellion, les chrétiens réfugiés à Mossoul et au Kurdistan n'ont guère d'atouts pour leur défense.

Aujourd'hui, ils n'ont que leurs larmes à offrir. Faut-il pour autant les oublier ?