samedi 13 septembre 2008

DIASPORA KURDE


Au cours de leur histoire mouvementée les Kurdes ont connu une série de déportations qui aboutirent à la constitution de nombreuses colonies kurdes, parfois à des milliers de km. du Kurdistan.

Ces déportations ont laissé des traces encore vivantes dans des pays aussi éloignés que la Kirghizie, le Kazakhstan, le Yémen, la Somalie et l'Erythrée. Des colonies kurdes ayant conservé leur langue et leurs coutumes sont présentes en Turkménie (40.000), en Azerbaïdjan (150.000), en Arménie (45.000), en Géorgie (60.000), en Afghanistan (200.000), au Liban (80.000). L'une des plus importantes colonies est celle des Kurdes déportés au XVIIe siècle par le Chah Abbas au Khorassan iranien où ils sont actuellement plus d'un milion et pratiquent toujours le dialecte septentrional (kurmancî). Les colonies kurdes d'Anatolie centrale, formées des tribus du Kurdistan méridional déportées par les Ottomans vers les provinces de Konya et d'Ankara conservent elles aussi leur langue et leurs coutumes.

Les événements politiques des dernières décennies ont poussé des millions de Kurdes vers les grandes métropoles régionales comme Istanbul (3 millions de Kurdes), Izmir, Adana, Mersin en Turquie, Bagdad en Irak, Téhéran et Tabriz en Iran, au point que l'on estime que près du tiers des Kurdes vivent hors du Kurdistan.

La formation d'une diaspora kurde en Europe est un phénomène récent. Dans les années 1960 des Kurdes de Turquie sont d'abord arrivés en Allemagne puis dans les pays du Benelux, en Autriche, en Suisse et en France comme travailleurs immigrés, dans le cadre des accords inter-gouvernementaux sur la main d'oeuvre immigrée. A la suite de la Révolution islamique en Iran, en 1979, du coup d'État militaire de septembre 1980 en Turquie, du long et meurtrier conflit Irak-Iran et de la campagne d'extermination des Kurdes (Anfal) lancée par le régime irakien, des vagues successives de réfugiés politiques kurdes sont arrivées dans les pays d'Europe occidentale et dans une moindre mesure en Amérique du Nord. Le lancement à partir de 1992 de la campagne d'évacuation et de destruction des villages kurdes en Turquie, doublée d'une politique d'assassinat des élites kurdes par les escadrons de la mort des forces paramilitaires turques, ainsi que les affrontements inter-Kurdes au Kurdistan irakien à partir de mai 1994 ont amplifié l'exode kurde vers l'Europe.

Il n'existe aucun recensement rigoureux et fiable sur la diaspora kurde en Europe. Les estimations les plus courantes font état de la présence d'environ 1.2 million de Kurdes en Europe occidentale qui se répartissent comme suit :

Allemagne 600.000 650.000
France 130.000 150.000
Pays-Bas 80.000 90.000
Suisse 70.000 80.000
Belgique 50.000 60.000
Autriche 60.000 70.000
Suède 40.000 50.000
Grande-Bretagne 30.000 40.000
Grèce 20.000 25.000
Danemark 15.000 10.000
Norvège 4.000 20.000
Italie 8.000 10.000
Finlande 4.000 6.000
On compte également d'environ 30.000
Kurdes aux États-Unis et plus de 10.000 au Canada

La diaspora kurde d'Occident est à près de 85% formée de Kurdes de Turquie. Les Kurdes d'Irak viennent en second lieu et forment d'importantes communautés en Grande-Bretagne, aux Pays-Bas, aux États-Unis et en Suède. Celle-ci, en raison d'une politique d'immigration généreuse initiée par Olof Palme et d'incitations matérielles pour l'édition et la création, a su attirer une part importante de l'intelligentsia kurde tandis que l'Allemagne abrite surtout une immigration ouvrière.

La diaspora kurde joue un rôle culturel et politique important. C'est elle qui a su donner un nouvel essor à la langue écrite, à la littérature et à la musique kurde, interdites en Turquie, et susciter dans ce pays un regain d'intérêt pour la culture kurde. La diaspora kurde a également joué un rôle politique majeur pour faire connaître à l'opinion occidentale le sort des Kurdes dans les divers pays où ils sont persécutés.

Après une période de tâtonnements, la diaspora kurde, s'inspirant de l'exemple d'autres peuples, met progressivement en place ses propres institutions à la fois pour sauvegarder la langue et la culture kurdes, pour populariser la cause kurde et pour contribuer à une meilleure intégration des Kurdes dans leur pays d'accueil. Nombre de Kurdes participent désormais activement à la vie politique et culturelle de leur pays d'accueil comme écrivains, journalistes, artistes, musiciens, voire même députés.