Convertis. D'origine chrétienne, ils se rallient à l’islam radical, certains comme kamikazes. Entretien avec le chercheur Paul Landau
Ils s'appellent David ou Muriel. Nés dans des familles catholiques ou protestantes, ils ont basculé dans l'islam radical. Dans Pour Allah jusqu'à la mort, Paul Landau analyse l'engouement de ces jeunes Occidentaux pour l'islam fondamentaliste.
Valeurs actuelles
propos recueillis par EMMANUEL RAZAVI
Existe-t-il un profil type du chrétien converti à l’islam radical ?
Non, il y a certes des traits communs à plusieurs des cas que je décris, mais ils ne sont pas suffisamment spécifiques pour définir un véritable « profil ». Ainsi, beaucoup de ces jeunes Occidentaux convertis sont passés par la drogue, ce qui est relativement banal. Sociologiquement, leurs familles sont assez modestes dans le cas des convertis français et belges (Lionel Dumont, Muriel Degauque), alors que les convertis allemands et américains sont quant à eux issus de la « bourgeoisie libérale », ce qui montre qu’il n’y a pas de déterminisme social.
Adam Gadahn, le porte-parole Americain converti d'Al Qaida
Quel est leur parcours ?
Beaucoup se sont convertis très jeunes : Adam Gadahn, le porte-parole américain d’Al-Qaida, est devenu musulman à 17 ans. Certains ont découvert l’islam lors de voyages à l’étranger, d’autres au contact de camarades de classe ou de collègues de travail musulmans, d’autres encore sur Internet…
Leurs motivations ?
Les motivations sont variées, et parfois mystérieuses. Je décris ce processus par le concept de « double conversion » : la première phase est la conversion à l’islam, phénomène devenu courant en Occident. La deuxième est la radicalisation et la transformation en « djihadiste » : elle est généralement la conséquence de la rencontre avec des militants islamistes radicaux.
Combien y a-t-il de convertis en France et en Europe ?
Le nombre des convertis à l’islam radical est difficile à évaluer, tout comme celui des convertis en général. On estime qu’il y aurait plusieurs centaines de convertis à l’islam radical en France, voire quelques milliers. Une chose est certaine : ce phénomène est en expansion, surtout depuis le 11 septembre, qui a galvanisé les esprits et accéléré le rythme des conversions en Occident.
Comment et où ils sont recrutés ?
En France, les prisons sont un des hauts lieux de prosélytisme, mais loin d’être le seul… Beaucoup des convertis que je décris ont été radicalisés dans certaines mosquées, mais aussi sur des forums sur le Web. Presque tous sont passés par des camps d’entraînement d’Al-Qaida, en Afghanistan mais aussi en Syrie.
Vous faites allusion à la région toulousaine. Existerait-il un islamisme rural ?
Oui, c’est une évolution récente que je décris : l’extension de l’islam radical, implanté traditionnellement dans les grandes métropoles européennes, en direction des zones rurales. Le cas le plus connu est celui de la filière de recrutement de djihadistes irakiens, implantée dans la région toulousaine, autour d’une « communauté » de convertis vivant en quasi-autarcie dans un village de l’Ariège.
Comment les services de renseignement occidentaux affrontent-ils ce phénomène ?
La difficulté est de tenter de repérer les convertis à l’islam radical avant qu’ils ne passent à l’action. Il faut surveiller certains lieux stratégiques (mosquées, forums Internet…), mais cela ne suffit pas. Une erreur souvent commise dans plusieurs pays occidentaux est de se montrer laxistes avec l’islamisme politique, en se focalisant exclusivement sur l’islamisme djihadiste de type « salafiste ». J’en veux pour preuve l’attitude française à l’égard du Hamas, qui collecte librement des fonds sur le territoire français, et dont le drapeau flottait récemment sur une mosquée en construction à Mulhouse…
A vous lire, l’Afghanistan est le pays de tous les dangers, où des convertis partent s'entraîner au djihad...
C’est un risque majeur. Aucun pays occidental n’est à l’abri de la menace que représentent les convertis à l’islam radical. Il est probable que nous allons voir se multiplier les tentatives d’attentats commises par des convertis, comme cela a été le cas récemment en Angleterre.
Pour Allah jusqu'à la mort, de Paul Landau, Editions du Rocher, 298 pages, 19 euros