dimanche 11 janvier 2009
RFI éclaire de travers
RFI, Radio France Internationale ou la voix de la France dans le monde pour ceux qui habiteraient une autre galaxie, est diffusée partout, même en France. La radio a également un site sur lequel on peut apprendre des choses fondamentales, notamment sur les conflits actuels.
Soldes : le coin des conflits
Le conflit qui fait la Une aujourd’hui en France n’est pas celui qui fait le plus de morts (ça, c’est le Soudan : 2 millions de morts depuis le coup d’Etat d’Omar el-Béchir en 1989 et 300.000 morts dans la seule province du Darfour depuis 2003), ni le plus barbare (ils sont plusieurs en compétition. Les Talibans qui assassinent ou vitriolent des petites filles afghanes pour les empêcher d’aller à l’école ont notre préférence pour la qualification), mais le plus médiatique.
Truisme, certes, mais pour évident que ce soit, ce n’en est pas moins vrai !
RFI se soumet donc à la loi du marché en informant son public sur LE conflit qui génère des manifestations dans le monde entier : celui qui oppose le Hamas au pouvoir dans la Bande de Gaza à l’Etat d’Israël.
Mais RFI n’a pas attendu Plomb Durci pour donner ce qu’en langage de la presse on nomme un «éclairage», c’est-à-dire des éléments qui mettent un événement en perspective.
Un éclairage, qu’est-ce que c’est ? Eclairez-moi !
Prenons un exemple : les 350 miliciens du Hamas tués par l’armée israélienne au tout début de l’offensive Plomb Durci ont donné lieu à de nombreuses manifestations dans notre pays. Un éclairage pertinent eut été de comparer ces 350 morts à 350 autres morts pour vérifier si les seconds généraient les mêmes manifestations et dans le cas contraire pourquoi. 350, c’est le nombre de SDF morts dans la rue en France en 2008.
Oups… Vous avez vu UNE manifestation pour protester contre cette infamie dans un riche pays démocratique ? Non. Ne cherchez pas sur Google, il n’y en a pas eu une seule.
Pourtant nous ne manquons pas de mouvements d’extrême gauche que cette détresse extrême devrait mobiliser !
Hélas ! Ils sont tous occupés à vilipender l’Etat d’Israël pour les morts palestiniens dont, depuis leurs premières manifs, le nombre a doublé.
Mais revenons-en à la voix de la France. Quel éclairage a-t-elle apporté si elle n’a pas mentionné les morts du froid français ?
En 2005, elle a préféré se livrer à une mise en perspective géopolitique :
«Avec 3226,3 habitants au km², la densité de population sur ce bout de terre est en effet la plus élevée au monde et environ 900 000 de ses habitants sont des réfugiés qui depuis trois générations s’entassent dans des camps comme ceux de Jabalya, Khan Younes ou Rafah.» (http://www.rfi.fr/)
Des chiffres pour des lettrés
3226 habitants au mètre carré, c’est vertigineux ! Ça l’est d’autant plus que la radio experte nous éclaire sur le fait que c’est la densité la plus élevée au monde.
RFI, on le répète, c’est la voix de la France à l’étranger. Est-ce une raison pour négliger ce qui se passe dans l’Hexagone ? Ou alors elle ignore qu’à Paris intra-muros, il y a 20 450 habitants au km², que dans les Hauts-de-Seine ils sont 8 356 habitants au km² et que le Val-de-Marne et le 9-3 sont au coude à coude (si l’on ose dire) avec 5 059 habitants au km² pour le premier et 5 916 pour le second.
C’est étrange comme le misérabilisme des 3226 Gazaouis au km² ne se répercute pas sur Paris, Neuilly ou même Saint-Denis.
En revanche, dans le même article, on apprend que parmi ces malheureux, 900 000 sont réfugiés, fils de réfugiés et petits-fils de réfugiés « entassés dans ces camps ».
Il y a réfugié et réfugié
Où a-t-on vu ailleurs que dans les Territoires Palestiniens et parmi les «Indigènes» de notre république (qui, grâce à leur citoyenneté, possèdent tous les droits qui vont avec), des réfugiés de la 3ème génération qui possèdent encore ce statut ?
Voilà bien un thème sur lequel un éclairage s’imposerait pour les auditeurs de la radio et lecteurs du site. Hélas, rien de tout cela sur les ondes du Quai d’Orsay. Et il y a peu de chances que les fidèles de RFI viennent jusque chez Primo pour s’informer. Espérons qu’ils auront alors le réflexe de chercher du côté de l’ONU.
Ils y apprendront qu’il existe un organisme, le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), qui est «chargé d'assurer la protection internationale des réfugiés : veiller à ce que leurs droits fondamentaux soient respectés ; à ce qu’ils aient notamment la possibilité de chercher refuge ailleurs et à ce qu’aucun d’entre eux ne soit renvoyé contre son gré dans un pays où il craint, à juste titre, d’être persécuté.»
Mais ils seront peut-être surpris d’apprendre qu’il existe à côté du HCR l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine au Proche-Orient (UNRWA) qui, depuis 1950, «fournit des services éducatifs, sanitaires, humanitaires et sociaux aux réfugiés de Palestine.»
Avec plus de 25 000 salariés, l’Unwra dispose d’un budget annuel de 541 millions de dollars auxquels s’ajoutent 200 millions de dollars pour les opérations d’urgence et 300 millions d’euros (environ 430 millions $) fournis par l’Union Européenne au titre de l’aide aux Palestiniens, soit un total pour 2008 de 1,17 milliard $.
Liberté ? Egalité ? FRA-TER-NI-TÉ !
Il faut être doué d’une grande curiosité pour comparer le personnel et le budget des deux organismes onusiens chargés des réfugiés.
Vous le souhaitiez ? Primo l’a fait : le HCR, qui a en charge la totalité des réfugiés du monde entier sauf les Palestiniens, emploie 6540 personnes et dépense 1,35 milliard de dollars chaque année. Pour subvenir aux besoins de combien de personnes ?
«Début 2005, le nombre de personnes relevant de la compétence du HCR s'élevait à 19,2 millions. Ce chiffre comprenait 9,2 millions de réfugiés (48%), 839 200 demandeurs d'asile (4%), 1,5 million de rapatriés (8%), 5,6 millions de déplacés internes (29%), et 2 millions d'autres personnes bénéficiant de l'aide du HCR (11%).»
Calculette : 1,35 milliard $ divisé par 19,2 millions de réfugiés, ça fait 70$ par réfugié et par an. Et pour la crème des réfugiés, les seuls qui bénéficient d’un statut héréditaire ? 1,17 milliard $ divisé par 4 millions de Palestiniens, ça fait 292 $. Ben quoi, ce n’est que quatre fois plus !
Voilà, chers auditeurs, tous les morts ne sont pas égaux dans l’estime des manifestants et manifestement, tous les réfugiés ne sont pas égaux dans l’ego des gestionnaires de l’humanitaire.
Dommage que RFI ne vous éclaire que quand il veut vous laisser dans le noir !
Liliane Messika
© Primo