mercredi 7 janvier 2009

Gaza : droit de la presse ?

Le 28 décembre dernier à 14 h, Primo notait que les journalistes étrangers venaient de quitter Gaza.

Depuis cette date, toutes les nouvelles qui parviennent de Gaza aux médias étrangers sont de source exclusivement palestinienne. Autrement dit, elles proviennent directement des sphères du Hamas.

L'interdiction des médias étrangers dans la Bande de Gaza durant les opérations a fait l'objet d'un appel de l'Association de la presse étrangère devant la Cour suprême israélienne.


Il n’aura donc échappé à personne qu’Israël est doté d’une Cour suprême dont les avis font force de loi. Il faut rappeler que cette même cour suprême est fréquemment saisie par des citoyens israéliens, arabes ou juifs, qui s’estiment lésés dans leur droit.

Il arrive même que cette haute autorité soit saisie par des Palestiniens qui protestent contre le tracé de la barrière de séparation. Lorsque la Cour suprême leur donne raison, elle oblige les autorités israéliennes à modifier le tracé.

Ceux qui se complaisent dans l’accusation « Israël, terrorisme d’Etat » se plantent le doigt dans l’œil jusqu’à se perforer l’intestin grêle.

L’interdiction faite aux journalistes a fait couler beaucoup d’encre et provoqué les protestations horrifiées de grandes agences et de médias occidentaux.

Les médias arabes n’ont pas eu de mots assez durs pour qualifier cette interdiction. Chacun le sait, ils disposent de la plus grande liberté de ton dans leur propre pays et ne sont jamais aux ordres. D’où leur légitime indignation...

Israël – il suffit de lire les quotidiens hébreux - n’a jamais exercé le moindre contrôle sur sa presse, ni à fortiori sur les correspondants étrangers. Ceux-ci peuvent cracher sur l’Etat juifà qui mieux mieux et beaucoup ne s’en privent pas.

Il faut se souvenir des images de Jénine que les médias n’ont pas hésité à qualifier de génocide. Ils parlaient de 5000 morts. Ils parlaient d’une ville en ruine en filmant toujours les mêmes endroits, toujours sous le même angle.

Les 5000 morts sont devenus 500. Puis finalement, selon les chiffres fournis par l’ONU mais aussi par les deux belligérants, les 5000 morts étaient en réalité 52 du côté palestinien et 23 du côté israélien.

Ce n’est pas France 2 qui dira le contraire : les démentis effectués quelques jours après n’ont aucune valeur pédagogique.

Il faut se souvenir des aveux embarrassés de certains correspondants de presse sous Arafat, qui expliquaient leur désinformation par les menaces de mort les visant s’ils ne collaboraient pas de plein gré. Un peu de modestie: la plupart du temps, leur refus de propager la propagande palestinienne n’eût été puni que de l’interdiction d’entrer en territoire palestinien. Ils n’ont pas été nombreux à en souffrir...

Il faut se souvenir que, dans un communiqué du 26 août 2002, le Syndicat des journalistes palestiniens a formellement interdit aux médias locaux et internationaux de photographier ou de filmer des enfants armés ou vêtus d’uniformes militaires lors de manifestations de rues, au prétexte d’"une violation flagrante des droits de l’enfant".

Il faut se souvenir des images de faux cadavres couchés sur des brancards au bas desquels ils sautaient précipitamment au bruit d’un avion ou d’un hélicoptère.

Il faut se souvenir des images de ces ambulances - parfois ornées du sigle de l’ONU- arrêtées par la soldatesque israélienne (sic) parce qu’elles transportaient des armes et des explosifs déguisés en blessés. Il faut avoir un oeil de lynx pour faire la différence, aussi ne peut-on jeter la pierre (!) aux journalistes français qui n’avaient rien remarqué...

Dans un film qui date d’octobre 2004, on voit de ces ambulances qui transportent des lance-roquettes et des milices islamistes dans les rues de Gaza. Une fois leur missile lancé, elle changent de statut et deviennent de simples véhicules dans lesquels les terroristes montent immédiatement pour prendre la fuite.*

Voir la vidéo ici :

http://sefardi.over-blog.fr/article-26496407.html


Il faut se souvenir du scoop de France 2 filmant l’assassinat du petit Mohammad Al Dura par des troupes israéliennes placées à un endroit d’où elles ne pouvaient pas atteindre l’enfant.

Les médias n’ont jamais été censurés en Israël. Pourquoi soudainement cet Etat utiliserait-il les méthodes de n’importe quel régime communiste ou islamique ?

Une dépêche d’Associated Press vient à point nommé pour éclairer quelque peu cette interdiction temporaire.

Selon l’AP, l'ouverture des points de passage frontaliers pour faire passer les journalistes mettrait en danger les personnels travaillant dans les terminaux, qui ont souvent été pris pour cibles par des militants palestiniens.

Puis, on se souvient, (un peu de mémoire n’est pas forcément un handicap en matière d’information. Curieux, cette rumeur qui veut que le passé n’existe pas...). On se souvient donc des déclarations de Stanley Greene (agence Vu), grand nom du photojournalisme, qui s’est dit ulcéré par le comportement de certains photographes qui se ruaient sur les scènes macabres, lors de la guerre de 2006 contre le Hezbollah.

Pour lui, la "tendance à la dérive" est devenue pire au Liban, car "le public est devenu assoiffé de sang, les médias réclament tellement de vitesse. Les gens souffrent et meurent. Ils doivent être un sujet de respect, mais ils ne le sont pas, à cause de la vitesse des médias, parce que tout est urgent, urgent, urgent".

Il y a deux raisons de bon sens qui justifieraient que l’on empêche les journalistes de pénétrer sur le champ de bataille. La première est qu’Israël a déjà assez mauvaise presse pour ne pas risquer de surcroît de voir un journaliste pris en otage par le Hamas.

Ce serait le meilleur moyen de mobiliser la communauté journalistique contre l’intervention armée. On rendrait Israël responsable de la vie du ou de la journaliste. Ce ne sont pas Malbrunot, Chesnot et Aubenas qui affirmeront le contraire.

La deuxième raison est plus stratégique. Israël doit mener le plus finement possible cette opération et n’a certes pas besoin de voir dévoiler ses plans et ses avancées sur les télévisions du monde entier.

Si l’Etat hébreu veut raccourcir au maximum l’opération « Plomb durci », il doit aussi utiliser la ruse et l’opacité. N’importe quel stratège est à même de comprendre cela. Les leçons de la première guerre du Golfe ont été tirées.

L’aveu d’Associated Press


Dans son communiqué du 6 janvier 2009, avec une candeur désarmante de la part d’une agence internationale, Associated Press dévoile (probablement à l’insu de son plein gré) le mode opératoire des grands médias internationaux au Moyen-Orient.

Ce faisant, elle apporte la preuve de la collusion entre les pouvoirs successifs et les médias dans les Territoires.

L'Associated Press et certaines organisations de presse ont des journalistes, photographes et cameramen palestiniens installés à Gaza. Mais nombre de médias ne disposent pas de sources fiables et indépendantes pour fournir des informations.

Associated Press informe le public que les grandes agences emploient des journalistes palestiniens. Ce n’est pas nouveau: Primo dénonce cette fâcheuse tradition depuis des années.

On pourrait faire remarquer à Associated Press qu’être employé, salarié d’une grande agence internationale n’est en aucun cas un brevet d’indépendance et d'impartialité par rapport au pouvoir en place.

L’aveu que “nombre de médias ne disposent pas de sources fiables et indépendantes” mène logiquement à se poser la question: d’où viennent les images et reportages qui affluent sur nos écrans ? Sont-ils, eux, fiables et indépendants?

Et sinon, ne devrait-on pas le mentionner au public qui les regarde? Poser la question, c’est évidemment y répondre.

La presse en tension


La liberté de la presse est intangible. Ne pas être informé, c’est renoncer à l’esprit démocratique. Etre mal informé, avec ou sans notre consentement, c’est le début de la dictature.

C’est un des paradoxes de la presse, qui doit accepter de vivre en tension entre ces deux propositions.

Il faut espérer que cette limitation des droits à l’information sur le théâtre des opérations soit la plus courte possible. Comme la guerre, ses morts, ses blessés, ses souffrances.

Quitte à courir le risque de voir le Hamas procéder à une désinformation massive. Mais Israël en a pris son parti.

Pierre Lefebvre © Primo

* Primo, malgré ses faibles moyens et le fait qu’il ne dispose pas d’un personnel pléthorique mais d’un petit groupe de bénévoles, a quand même été capable de reconnaître immédiatement la date de ce film. Le groupe France Télévisions n'a pas été capable de résister à l'envie de diffuser en 2009 un document datant de 2005. France 2 s'en est excusé au journal de 13 h ce jour. Primo considère toutefois que cette “erreur” est inexcusable.

Auteur : Pierre Lefebvre
PRIMO