lundi 5 janvier 2009

Et bienvenue en Anatolie!



Recep Tayyip Erdogan, l'homme que les Juifs ne doivent pas perdre de vue


La Turquie est considérée depuis longtemps par Israël comme un pion essentiel dans la géopolitique proche orientale et comme un allié stratégique de l’Etat juif, selon le vieux principe de “l’ennemi commun”, face à la Syrie ou à l’islamisme chiite venu d’Iran notamment. Pays musulman non arabe, de tradition laïque depuis la révolution kémaliste, et tournée vers les Etats-Unis et l’Europe, la Turquie se veut jouer un rôle de premier plan dans la diplomatie régionale en étant notamment l’intermédiaire “neutre” entre Israël et des pays arabes comme on l’a vu avec la Syrie ces derniers mois. Parallèlement aux volets politiques et diplomatiques, la Turquie est devenue un partenaire commercial incontournable pour Israël, avec un accord de libre-échange signé en 1996, militaire, avec des exercices communs et des ventes d’armes, ainsi qu’une destination touristique privilégiée pour nombre d’Israéliens mais aussi de nombreux organismes juifs à travers le monde.



Les choses ont commencé à changer en 2002 avec l’arrivée au pouvoir du Parti pour la Justice et le Développement, formation islamiste “modérée”, dirigée par le Premier ministre actuel Recep Tayyip Erdogan. Bien que n‘ayant pas remis en question le principe de l’alliance stratégique entre les deux pays, Erdogan a renoué avec une politique beaucoup plus critique vis-à-vis d’Israël, et a entamé un rapprochement avec des pays tels la Syrie et l’Iran, voire avec des organisations terrorites comme le Hamas. Rappelons que si l’armée, garante de la laïcité, est encore très puissante en Turquie, les sentiments anti-occidentaux et panislamiques de la population sont en constante croissance, et obligent les dirigeants à jongler entre les institution démocratiques et les sentiments populaires.



La cinglante déclaration ce matin du Premier ministre turc vient corroborer cette évolution, et devrait faire réfléchir non seulement tous ceux qui en Israël, ont misé sur la Turquie comme sur l’Egypte pour jouer les “bons offices” entre Israël et les pays arabes, mais aussi toute celles et ceux qui se ruent vers les plages d’Anatolie pour se faire des vacances bon marché.



Erdogan avait déjà plusieurs fois par le passé eu des mots très durs envers Israël, qualifiant notamment l’élimination du Sheikh Yassine “d’acte terroriste” ou pire encore, accusant “Israël de traiter les Palestiniens comme les Juifs furent traités il y a 60 ans”.



Ce matin, en Anatolie, à l’issue d’une tournée au Proche-Orient, le Premier ministre turc a accordé une interview à la chaîne Al-Jazeera dans laquelle il inonde Israël de critiques les plus virulentes: “Israël pratique des actes inhumains dans la Bande de Gaza, des actes qui lui vaudront de s’autodétruire”. “Israël a porté atteinte à l’honneur de la Turquie en attanquant à Gaza, et Allah punira tôt ou tard ceux qui bafouent les droits des innocents”. Erdogan est même allé jusqu’à dire “que c’est Israël qui a rompu la trêve alors que le Hamas l’avait respecté, et que la Turquie soutiendrait la cause du Hamas devant les instances internationales”!!!



Sans remonter jusqu’au massacre-génocide de 1,5 millions d’Arméniens en 1915, et même en faisant abstraction de la déformation des faits, les Turcs sont pour le moins mal placés pour donner des leçons à Israël, vue la façon dont ils gèrent la question kurde sur leur territoire ou au Kurdistan irakien. En février 2002, par exemple, des milliers de soldats turcs avaient franchi la frontière avec le Kurdistant irakien, au nom “du droit de la Turquie a défendre ses frontières” dixit Ankara. Personne n’avait d’ailleurs su combien de Kurdes avaient été tués, et les Etats-Unis ainsi que l’Union Européenne avaient soutenu sans sourciller la marche turque menée tambour battant.



Mais au delà de la comparaison, il y a surtout dans les propos excessifs et inadmissibles d’Erdogan un avertissement à prendre en compte par la diplomatie israélienne une fois que l’épisode actuel de Gaza sera derrière nous. L’honneur juif et israélien, que Tsahal tente de rehausser à travers cette offensive anti-terroriste, se devrait de se doubler d’une réaction vive d’Israël – et du Judaïsme mondial - envers les pays qui auront manifesté si peu de compréhension voire une hostilité envers le droit d’Israël à la légtime défense, comme c’est le cas de la Turquie. La volonté de flatter une opinion publique acquise au Hamas n’excuse pas pour autant la virulence des termes utilisés par le Premier ministre turc.



Mais il semble surtout clair que la Turquie vient de se disqualifier pour être un intermédiaire fiable dans de futurs pourparlers entre Israël et d’autres pays arabes. Les dirigeants israéliens auront-ils assez de mémoire pour s’en rappeler?



A l’échelon individuel, il serait bon aussi que le tourisme israélien et juif vers la Turquie marquent un temps d’arrêt de manière ostentatoire, en faisant comprendre aux autorités de ce pays que l’on ne peut pas impunément insulter Israël tout en convoitant les devises de ses touristes.

par Shraga Blum
arouts sheva